Cinéma

Congrès FNCF 2020 - Eric Lagesse : "Le secteur doit bénéficier d’un soutien massif"

Date de publication : 24/09/2020 - 08:20

Point d’étape, en cette Journée des éditeurs de films, avec le coprésident de DiRE sur la situation et les attentes des distributeurs indépendants (entretien réalisé avant les annonces de la ministre de la Culture).

Nous sommes à trois mois après la réouverture des salles, le 22 juin dernier, que retenez-vous de cette période écoulée ?
Nous étions plein d’espoir quand les salles ont rouvert en début d’été. La relance de La bonne épouse et le démarrage des Parfums étaient tout à fait corrects. Puis nous avons eu le sentiment d’une confusion autour du protocole sanitaire en salle, et notamment sur le port du masque. L’optimisme a fait place à la circonspection puis l’inquiétude au fil de l’été, avant l’impression d’un regain possible depuis Tenet et Effacer l’historique. Mais de même, effet masque obligatoire ou effet rentrée, nous sommes à nouveau très inquiets des résultats de nos films en salles depuis début septembre. Nous pouvons toutefois assurer que les distributeurs se sont mobilisés cet été. Nous avons été perturbés par des discours que nous avons entendus, de la bouche des pouvoirs publics et de la ministre de la culture comme de la FNCF, prétendant que les mesures incitatives n’avaient pas incité les sociétés de distribution à "jouer le jeu". Que les salles n’avaient rien à projeter. Alors qu’il y avait tout de même beaucoup de films à l’affiche !
Cette prise de parole publique autour du manque d’offre était totalement contre-productive. On comprend très bien la détresse des exploitants, mais à force de répéter aux spectateurs qu’il n’y a pas d’offre, dans les médias comme sur les réseaux, il ne faut pas s’étonner d’une certaine démotivation à fréquenter les salles ! Les membres de DIRE ont tout de même sorti 23 films entre le 22 juin et le 26 août, et parmi eux plusieurs titres porteurs ! Et l’on peut élargir à d’autres distributeurs de tous types… En fait, les seuls qui n’ont pas joué le jeu cet été, ce sont les majors américaines.

Mais vos films n’ont-ils pas profité, quelque part, de l’espace laissé par les titres reportés ou annulés ?
Oui, évidemment. Cette prolifération du nombre de copies fait que, même si l’on ne remplit pas les salles de cinéma, on parvient tout de même à un score honorable grâce à la multiplication des salles. Cette exposition renforcée a aussi quelque peu compensé les contraintes sanitaires imposées, comme les séances en moins ou les capacités réduites. Elle nous a aussi poussés à travailler avec des exploitants avec lesquels nous n’avions pas l’habitude de collaborer.

On a vu une partie du parc se refermer durant le mois d’août, faute d’offre et de fréquentation selon les exploitants concernés, comment cela a-t-il été vécu par les distributeurs indépendants, et notamment ceux qui avaient des films à l’affiche ?
Objectivement, le fait que certains circuits ne jouaient qu’à partir de 15h ou 16h, ou que certaines salles généralistes aient fermé leurs portes, a été vécu par beaucoup de distributeurs comme un manque de solidarité avec ceux qui prenaient le risque de sortir des films - sans rien pouvoir prédire de l’avenir. Après, il est difficile de leur jeter la pierre : chacun a ses exigences économiques et sociales.

Dans quel état se trouvent les distributeurs de DIRE depuis la réouverture des salles ?
Nos films auraient probablement fait mieux dans un marché sans pandémie, c’est évident. C’est pour cela que les mesures incitatives ont été si importantes, et qu’il faut les prolonger tant que l’épidémie n’est pas derrière nous. Cette période de réouverture a aggravé l’état de précarité général de la profession. Et ce n’est pas fini, car nous avons encore beaucoup de films à sortir d’ici 2021 ! Dès lors qu’un distributeur se remet en activité et sort un film par mois, il a besoin de toute son équipe à 100% pour perdre un pourcentage inquiétant de son chiffre d’affaire à chaque sortie… le chômage partiel n’est donc plus une mesure à laquelle nous pouvons avoir recours. Nous sommes en apnée à chaque film qui sort ! Et l’impact n’est pas qu’économique, il est aussi social et moral. Nous vivons dans une incertitude globale, qui nous atteint psychologiquement. C’est difficile de travailler dans l’incertitude.

Ce sentiment influe-t-il sur votre politique d’acquisition ?
Beaucoup de distributeurs arrêtent actuellement d’acheter des films. Ce qui me laisse penser que le secteur de l’export et des ventes sont probablement encore plus impactés que la distribution.

Quelles mesures demandez-vous dans le cadre du plan de relance annoncé par le Premier ministre à Angoulême ?
Tout d’abord, nous restons très mobilisés sur le sujet d’un crédit d’impôts distribution, pour lequel les pouvoirs publics nous ont donné rendez-vous à l’automne : nous y sommes ! Aussi, nous attendons tout de même un constat de la part du CNC sur le fait que les mesures incitatives ont effectivement encouragé les distributeurs ! Nous avons tous pris des risques à sortir cet été, et nous demandons une prolongation conséquente de ces mesures. Tant que les masques sont obligatoires, et que les capacités sont réduites dans certaines zones géographiques, il faut qu’elles restent en place. Et d’autre part, nous demandons, à l’image de ce qui est fait pour l’exploitation, à ce que le secteur de la distribution bénéficie d’un plan de soutien massif du CNC, à la hauteur des risques pris et des pertes constatées.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo :


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