Cinéma

Annecy 2021 - Les chantiers et combats du SPI en animation

Date de publication : 18/06/2021 - 08:30

Emmanuel-Alain Raynal vice-président animation du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) fait le point sur les différentes actions en cours. 64 sociétés adhérentes du SPI, de profils souvent très différents, produisent de l’animation., 

Parmi les grands chantiers en cours dans le secteur de l’animation figurent les discussions entamées entre producteurs et scénaristes. Des avancées déjà concrètes ?
L’ouverture de ces négociations s’est opérée il y a quelques semaines. Nous sommes autour de la table avec l’Agraf, la Guilde des scénaristes, U2R, la Sacd et AnimFrance. Et nous devons les mener à leur terme d’ici un an. Nous pensons au Spi que certaines pratiques sont préjudiciables à la création et doivent impérativement être encadrées par le biais d’un travail de concertation collective. Différents enjeux se font jour et il est encore un peu tôt pour entrer dans le détail de ces échanges. Mais en tout cas la stratégie, qui a été portée, notamment par les auteurs, de travailler autour d’un glossaire, nous semble la bonne. Il est toujours très important de savoir de quoi on parle dès le départ et d’utiliser les bons mots et à bon escient. Ce glossaire constitue le premier stade de travail, le principe étant de définir à la fois les différentes étapes de création, d’écriture ou de mise en scène qui participent à l’élaboration d’une œuvre audiovisuelle quelle qu’elle soit. Et pour nous c’est une bonne base, puisque, en parallèle de cette négociation autour de l’écriture, un grand chantier a été lancé aussi par les auteurs autour d’une charte de bonnes pratiques, dont les producteurs seraient signataires à leurs côtés.

L’animation pour adultes est l’un de vos chevaux de bataille. Un autre chantier qui avance ?
Il y a deux ou trois ans on me posait toujours la même question : "Est-ce qu’il y a un public pour ça ?" Elle n’est plus posée à présent, ce qui prouve une évolution de la situation. La délinéarisation de l’offre audiovisuelle a permis de commencer à sortir d’une logique de case. On sait à présent que les networks américains mettent énormément d’argent sur ce segment et on voit en France une explosion des longs métrages pour un public adulte, qu’ils soient en développement et en production. Autre particularité, selon moi, il est important de distinguer l’animation adulte destinée aux plateformes et aux chaînes et celle pour les salles de cinéma, qui sera plus axée art et essai. Sans oublier que l’animation dite ado-adulte est quasiment devenue un genre à part entière, puisqu’elle aborde de façon assez récurrente des thématiques de violence, de sexe, de gore. Tout cela est donc très riche. Mais selon nous il existe plusieurs enjeux en termes de financement et d’accompagnement de ces œuvres bien spécifiques. Ce sont des projets compliqués à monter et il faudra rester d’autant plus attentifs à l’évolution, au cours des prochains mois, du financement du cinéma et de l’audiovisuel français.

Le secteur de l’animation française semble en grande forme, avec une explosion du nombre de projets, tant en création, qu’en prestation. Serait-ce trompeur ?
Le fait est que le secteur a plutôt été épargné, en termes de fabrication, par la pandémie. Mais il faut apporter quelques bémols à cette affirmation, l’animation étant un ensemble de techniques toutes différentes. La stop motion, qui se rapproche d’une logique de tournage en prises de vues réelles, a pris le confinement de plein fouet, de même que la 3D plutôt qualitative et premium a été plus compliquée à fabriquer que la 2D. Même s’il ne faut pas généraliser, il a été tout de même possible de télétravailler et de maintenir les productions. Aujourd’hui, on se retrouve face à des plateformes et des networks qui recherchent avidement de l’animation, adulte, mais aussi pour enfants, puisque fidéliser le jeune public c’est pérenniser les abonnements. Donc oui il y a un volume de production en augmentation. Entre ses écoles, ses créateurs et créatrices, son savoir-faire et ses bassins d’emplois et son crédit d’impôt international, notre territoire est attractif pour des productions internationales qui veulent y localiser leur fabrication. En y ajoutant notre exception culturelle qui permet à une création très riche et diverse d’exister, nous avons tous les atouts pour avoir un rôle de plus en plus important à jouer dans les prochaines années. Il faut cependant rester vigilant et ne pas devenir ni un territoire dédié à la fabrication d’IP étrangères, ni une terre de création obnubilée par la volonté de concurrencer les états-uniens avec une production du même type. Notre création a ses spécificités et c’est aussi cela qui nous rend unique.

Le danger n’est-t-il pas celui de la concentration, comme dans l’audiovisuel de manière globale ?
C’est un sujet d’inquiétude majeur pour le SPI. L’animation française est déjà ultra-concentrée. Si on se réfère aux derniers chiffres du CNC, en 2020, six studios d’animation se répartissent 50% du volume d’animation diffusé sur les chaînes françaises, ce qui est colossal. Cette problématique n’est malheureusement pas nouvelle, mais c’est un frein terrible à la diversité et c’est notamment ce qui a contribué à la création du collège animation du SPI. Et aujourd’hui, à l’heure de l’explosion de l’animation en France et de l’arrivée prochaine de nouvelles sources de financement, nous allons tout faire pour que ces opportunités aillent dans le sens de la création, de la diversité et de la déconcentration.

Certaines sociétés qui produisaient uniquement de la prise de vues réelles font à présent de l’animation. Une tendance nouvelle ?
Le fait est qu’on assiste à un décloisonnement. C’est la preuve que l’animation a réussi à sortir de son bois et que le regard extérieur a changé. Actuellement on assiste à des coproductions qui se nouent avec des producteurs venant de la prise de vues réelles. Car en fin de compte c’est une autre façon de raconter les histoires.

D’où cette nécessité d’affirmer que l’animation n’est pas un genre ?
C’est très important au SPI. L’animation n’est pas un genre, c’est un ensemble de techniques. Nous nous sommes battus en ce sens lors des César et nous avons été rejoints par la SRF et l’ACID et de grands noms de la mise en scène. Cela a été l’occasion de voir à quel point il était insupportable pour l’animation d’être considéré comme un genre. Et cela va au-delà d’une simple considération d’ordre philosophique. Nous sommes évidemment attentifs au grand chantier de la revue générale des soutiens (RGS) mené par le CNC. Aujourd’hui, au sein du fond de soutien audiovisuel, la définition de l’animation est la même que celle de la fiction. Mais cela ne prend pas du tout en compte la particularité de la fabrication des œuvres d’animation. Ce n’est qu’un exemple, mais ce n’est pas le seul. L’animation reste encore à définir de façon précise en France. Le flou, qui est pour le moment la règle, est de plus en plus source de problèmes et d’incertitudes pour le financement futur des œuvres.

Et dans le cadre de la RGS, vous réclamez aussi une meilleure attention portée au développement ?
Un grand plan cinéma d’animation, porté par le CNC en 2018, a permis la mise en place d’un certain nombre de mesures qui sont pour la plupart très intéressantes. Mais la question du développement pour les longs métrages d’animation pose problème. Cela représente des enveloppes très lourdes, se situant entre 200 000 € et 400 000 €. Or aujourd’hui les possibilités de financer ce développement sont très réduites pour les sociétés qui n’ont pas de compte automatique ou de fond de soutien. Une nouvelle fois, certaines particularités de notre secteur ne sont pas prises en compte, à commencer par la durée de fabrication des œuvres, qui est très longue. Le résultat est que les nouveaux entrants ont des difficultés pour financer leurs développements, avant d’avoir accès à ces dispositifs, seulement au bout de quelques années. Là aussi c’est un frein au renouvellement et à la diversité.

Dernier combat, celui de votre meilleure représentativité au sein des commissions du CNC ?
Il ne s’agit pas du tout de dire que nous ne sommes pas assez soutenus et que nous serions encore mieux soutenus avec plus de représentants de l’animation dans ces diverses commissions. Plus simplement nous pensons être tout à fait légitimes et avoir notre place au sein de ces instances, afin de débattre, sur l’animation, mais aussi les œuvres de prises de vues réelles. Cela va dans le sens du combat pour replacer l’animation au cœur du cinéma et de l’audiovisuel.

Propos recueillis par Patrice Carré
© crédit photo :


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