Cinéma

Cannes 2021 - Samuel Theis réalisateur de 'Petite nature' : "Le plus grand festival de cinéma du monde est français"

Date de publication : 10/07/2021 - 09:30

Après avoir coréalisé Party Girl avec Marie Amachoukeli et Claire Burger, qui a reçu la Caméra d’or en 2014, le cinéaste est revenu à Forbach y tourner Petite nature, présenté en séance spéciale de la Semaine de la critique.

D’où vous viennent les envies de films ?
C'est toujours un peu un mystère, un désir de film. Chez moi, il naît parfois d'une vision, d'un souvenir, parfois avec une question ou la confrontation avec une réalité. Je pars souvent de quelque chose d'intime, l'intuition d'une histoire. Et puis je cherche le point de vue, le personnage. Pour moi, un grand film c'est d'abord un grand personnage. Le travail, après, c'est de rendre tout ça concret et de l'organiser dans un récit. C'est ça réaliser, c'est rendre réel.
 
Quel est le point de départ qui vous a inspiré Petite nature ? Comment est né Johnny ?
Pour mon premier film, je suis allé filmer ma famille dans ma région d'enfance en Lorraine. De retour à Forbach, j'essayais de me souvenir du moment où j'avais pris la décision de partir. Le film est né comme ça, avec cette question. Johnny est cet enfant, qui va prendre conscience de son milieu et de son désir de s'en échapper.
 
Pouvez-vous présenter le film en quelques mots ?
C'est l'histoire d'une rencontre, celle d'un jeune élève de cours moyen avec son nouveau professeur. De cette rencontre naît le désir d'échapper à son destin. Mais 10 ans, c'est l'âge des grands bouleversements. L'admiration et le désir peuvent parfois se confondre dangereusement.
 
Comment avez-vous construit le scénario ?
J'ai mis du temps à l'écrire. Il y a eu de multiples versions. Je partais d'éléments biographiques. Il a fallu déconstruire d'abord, pour comprendre ce que j'étais en train d'écrire, et savoir où je voulais emmener mon histoire.
 
Vous avez choisi des acteurs tous non professionnels à commencer par Aliocha Reinert. Comment les choisissez-vous ? Sur quelles bases ?
Nous avons procédé à un long casting sauvage en Lorraine pour tous les rôles, exceptés celui du jeune professeur et de sa compagne, joués par Antoine Reinartz et Izïa Higelin. Pour les non-professionnels, comme les enfants d'ailleurs, c'est toujours une première fois. Ils n'ont pas de trucs, ils ne cherchent pas à se placer avantageusement par rapport à la caméra, ils ne trichent jamais avec les sentiments. Je trouve ça très beau. Je cherche des natures, des tempéraments qui correspondent à ce que j'ai écrit, mais pendant les auditions, je dois me laisser surprendre. J'ai envie que les acteurs que je choisis déplacent mon regard sur les rôles.
 
Le tournage a eu lieu quasiment à 100% à Forbach. Cela ne pouvait se passer que là-bas ?
Pour le moment, j'aime bien l'idée que mes films aient à la fois une identité sociale et régionale. C'est un territoire que je trouve très cinématographique, d'abord parce que c'est une frontière. Qui porte la mémoire du charbon et de la sidérurgie, les stigmates de la désindustrialisation. Son histoire est aussi très marquée par l'immigration. C'est un territoire complexe, que j'ai encore envie d'explorer.
 
Difficultés particulières ?
La difficulté majeure résidait dans le fait que mon personnage principal soit un enfant, ce qui réduisait nos journées de tournage à 4 heures, en raison de l'encadrement légal en France. Le tournage a démarré au début du mois de septembre 2019. Pendant les 45 jours de tournage, il a plu presque tous les jours. Le plan de travail ne cessait de bouger. Le jeu consistait à profiter de chaque accalmie pour tourner une scène rapidement entre les gouttes. Par exemple, nous n'avons pu tourner le raccord de la scène de la fête au début du film, lorsque Johnny cherche sa mère dans un parking la nuit, qu'au mois de novembre. Le pauvre Aliocha frissonnait dans son bermuda.
 
Le film a été terminé quand ?
Il était quasiment prêt au moment du premier confinement. Avec la pandémie, il a fallu le ranger sur l'étagère et attendre, ce qui n'arrive jamais. C'était une attente étrange, parce qu'il n'y avait pas d'horizon, on ne savait pas pour combien de temps. Avec des craintes et des angoisses pour le cinéma et tout le secteur de la culture. La perspective de pouvoir le partager à Cannes cet été, avec une jauge autorisée à 100% dans les salles, c'est un soulagement et une grande joie.
 
Qu’attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ?
Je suis très heureux de faire partie de cette sélection. Il y a peu de films à la Semaine de la critique, ce sont vraiment des choix. C'est une belle exposition, avec un réel accompagnement des films. Chaque année, j'ai pu y découvrir des gestes et des films forts. Cette année, c'est la 60e, la dernière pour Charles Tesson qui a fait un travail incroyable pendant dix ans. Et puis, c'était la dernière fois que je pouvais y prétendre, puisque ce sont des premiers et deuxièmes films uniquement.
 
Un retour à Cannes après Party girl. C’est vraiment l’endroit idéal pour faire découvrir son travail ?
Le plus grand festival de cinéma du monde est français. C'est un festival qui prend soin des films. C'est important, on a de la chance. D'autant plus pour des films qui visent à toucher le public et qui n'ont pas d'emblée de portée ou de carrière commerciale. Cannes leur offre une visibilité qui peut changer leur destin.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Philippe Beheydt


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