Cinéma

Annecy 2015 - Les premières images de "The Red Turtle" dévoilées lors du WIP avec Michaël Dudok de Wit

Date de publication : 20/06/2015 - 08:20

Césarisé en 1996 pour Le moine et le poisson, oscarisé puis primé à Annecy pour Father and Daughter en 2001, Michaël Dudok de Wit n'avait jamais réalisé de long métrage à ce jour jusqu'à ce que le studio Ghibli découvre son travail et décide de le coproduire.

"The Red Turtle est né sous des auspices extraordinaires avec trois bonnes fées qui sont Ghibli, Wild Bunch et Why Not Productions", attaque d'entrée de jeu Christophe Jankovic, qui a assuré toute la production exécutive du film avec Valérie Schermann (Prima Linea Productions) via leur studio d'Angoulême. "La genèse est assez incroyable, confirme Michaël Dudok de Wit. Tout a commencé par un mail du studio Ghibli qui avait deux questions. On aime beaucoup votre court métrage Father and Daughter, est-ce que vous avez pensé le distribuer au Japon parce que ça nous intéresse ? Et la seconde question était : est-ce que vous voudriez faire un long métrage avec nous ? Cela m'a évidemment plus que surpris car j'avais déjà rencontré brièvement Takahata à deux occasions. Je connaissais aussi Suzuki, mais il n'avait jamais été question de collaborer ensemble. J'ai rapidement compris qu'ils voulaient essayer d'initier un projet dont j'écrirai l'histoire et assurerai la réalisation en Europe. De leur côté, ils le produiraient avec Wild Bunch." Quelques jours plus tard Vincent Maraval confirme à Michaël Dudok de Wit que Ghibli lui a demandé, lors d'un de ses voyages au Japon, de leur trouver les coordonnées de l'auteur de Father and Daughter afin qu'ils puissent lui confier la réalisation d'un film.

"J'ai alors commencé à beaucoup parler avec Suzuki, mais surtout Takahata. Et malgré nos grandes différences culturelles, nous étions d'une façon étonnante sur la même longueur d'ondes." Takahata demande à Dudok de Wit de lui envoyer un premier synopsis. "Je n'avais à la base pas d'idée pour un long métrage, juste quelques thèmes. Et l'un d'eux tournait autour d'un naufragé sur une île déserte tropicale. Aucun rapport avec Robinson Crusoe puisque l'histoire démarrait sur l'île avant de se développer. L'idée de se retrouver seul face à la nature est quelque chose qui me fascine depuis mon enfance. En outre, je pensais que pour un film d'animation, c'était passionnant d'avoir pendant longtemps un seul protagoniste. Cela permettait de développer sa personnalité, sa gestuelle, d'autant que je ne suis pas très à l'aise avec les dialogues."

Michaël Dudok de Wit commence par faire quelques dessins de développement au fusain, centrés sur le personnage principal, les envoie à Ghibli avec le synopsis et reçois très vite le feu vert pour écrire un scénario. Parallèlement, il entame un travail de recherche sur les différents animaux destinés à peupler le film, alimenté par un séjour sur une petite île des Seychelles quasiment déserte qui va lui permettre de filmer une tortue au moment de la ponte de ses œufs. Un élément crucial pour le film. "On a tous une vision idéalisée des îles tropicales avec des palmiers et le ciel bleu. Or c'est loin d'être le cas. Le ciel est souvent gris, il pleut, il y a des insectes. Et l'esprit du film est justement d'éviter cette vision de carte postale." Autre idée visuelle forte, celle de couvrir l'île de forêts de bambous.

Le studio Ghibli possède une culture très forte du cinéma d'auteur, respectant la vision artistique des réalisateurs, même en cas de désaccord. "Au début, je leur posais beaucoup de questions pour savoir ce qu'ils pensaient. Ils ne répondaient pas. Mais un jour, Takahata m'a dit : 'Tu veux vraiment avoir notre opinion ?' Et à partir de ce moment-là on a eu de vrais échanges, car leurs idées étaient très intéressantes. Je peux vous citer un exemple. Il y aura trois personnages dans le film. Un homme, une femme et un enfant. Le personnage de la femme est un peu mystérieux, proche de la nature, et j'avais un peu de mal à le cerner. Un jour, Takahata m'a dit : 'Tu sais, au Japon, les femmes sont plus fortes que les hommes.' Son interprète, qui était une femme, m'a traduit sa réponse en ajoutant 'c'est aussi mon opinion'." 

Dudok de Wit écrit un scénario complet, validé par le studio. "Il y avait beaucoup trop de détails. Une erreur de débutant. Donc l'animatique a pris beaucoup de temps car certains plans ne marchaient pas. Il y avait des moments dans l'histoire qui se traduisaient mal." Se pose la question de trouver un coscénariste. Why Not demande alors à Pascale Ferran de rejoindre l'écriture. "Elle m'a proposé tout de suite deux idées alternatives qui étaient intéressantes et on a retravaillé le scénario ensemble pendant plusieurs mois." À ce stade de la production, le cinéaste ne souhaite pas en dire plus sur le déroulement de l'histoire qui doit rester secret jusqu'à la sortie. Tout au plus saura-t-on que "à travers l’histoire d’un naufragé, échoué sur une île déserte tropicale peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux, The Red Turtle raconte les grandes étapes de la vie d’un être humain".

L'étape suivante consiste à trouver des modèles visuels pour les animateurs, notamment pour donner vie au personnage principal. Le cinéaste s'adresse alors à James Thierrée, comédien, danseur et acrobate, vu dans les films de Tony Gatlif, en lui demandant de jouer quelques plans du film. Ses mouvements vont inspirer les animateurs, mais pas question pour autant d'avoir recours à de la rotoscopie. Peu à peu, le style du film, lignes, couleurs et textures, se précise. Ce sera du fusain avec un trait particulièrement fin. Seule la tortue sera animée en 3D. "On a très vite été convaincus que ce serait beaucoup mieux car c'est un objet dur avec des mouvements prédictibles, et rendre compte des changements de perspective aurait été trop compliqué. On a donc choisi une 3D classique avec un look final 2D, ce qui fait que personne ne se rendra compte de la différence." Même chose pour le radeau, la 3D permettant de le faire évoluer plus facilement.

La production se met alors en place et le studio commence à recruter des animateurs qui vont venir s'installer à Angoulême. "Il y a très peu de cartoon, tout doit être réaliste. Et c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à faire. J'ai tout de suite senti par exemple que les gens qui avaient travaillé sur L'illusionniste seraient de parfaits candidats." Habitué au papier, Michaël Dudok de Wit passe pour l'occasion au numérique, déléguant tout le travail d'animation, se concentrant sur les retouches, le travail des détails et les validations. "Je me suis aperçu qu'on avait tout de même plus de possibilités et de flexibilité avec le numérique. On peut faire des modifications sans avoir à gommer, donc sans aucune perte de qualité. Et comme certains assistants animateurs travaillaient tout de même à l'étranger, c'était absolument nécessaire. C'est vraiment quelque chose que j'ai l'intention d'explorer dans le futur, quand j'aurai un peu plus de temps."

À présent, hormis le montage et l'étalonnage, tout le travail sur l'image est quasiment achevé. Mais un gros travail de sound design reste à effectuer. "La nature est omniprésente. Il y aura tout le temps des bruits de ressac, le vent, le bruissement des bambous." Une création sonore d'autant plus importante que le film sera quasiment sans dialogue. Quant à la place de la musique, elle reste encore à définir.

The Red Turtle devrait être achevé pour le premier semestre 2016. Il est produit par le studio Ghibli et Wild Bunch, en coproduction avec Why Not Productions, Belvision, Arte France Cinéma, avec le soutien de Canal+, de la Fondation Gan et du Pôle Image Magelis. Et Prima Linea Productions a pris en charge toute la fabrication du film.

Patrice Carre
© crédit photo : © Wild Bunch, Why Not


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