Lumière MIFC 2025 - [Entretien] L’Ina, une collection unique en son genre

Comment est intervenu l’Ina sur cette rétrospective consacrée à Louis Jouvet et sur quelle base ont été sélectionnés les éléments d’archives ?
Brice Amouroux : Sur cette rétrospective Jouvet, l'Ina intervient en tant que partenaire du Festival en proposant des pastilles thématiques en avant-programme. Des séquences sous forme de bonus, qui font revivre les souvenirs et témoignages de figures majeures du cinéma français telles que Jean Renoir (photo), Marcel Carné, Henri-Georges Clouzot ou Bernard Blier, finement choisis entre nos équipes de documentalistes et les équipes du Festival. L'idée est de proposer aux spectateurs un clin d'œil de quelques minutes en avant séance. Chaque pastille est un extrait restauré d'une émission de télévision ou de radio, qui illustre un aspect du film à suivre. Cette collaboration permet ainsi de mettre en lumière la richesse du patrimoine audiovisuel conservé par l’Ina et d’offrir aux spectateurs un regard inédit sur l’univers de Louis Jouvet.

Quel travail de restauration avez-vous effectué sur ces éléments ?
BA : Comme pour chaque travail de restauration, nous recherchons les meilleurs éléments sources disponibles dans nos collections, et nous étendons la recherche dans les laboratoires qui détiennent des éléments que nous ne possédons pas toujours (négatifs par exemple). En l'occurrence sur la série des pastilles consacrées à Louis Jouvet, nous avons travaillé à partir des inversibles originaux que nous avons réparés, scannés et restaurées en 2K. Les spectateurs découvriront notamment deux raretés que nous sommes particulièrement heureux de partager : une interview de Marcel Carné tirée des rushs couleurs inédits de l'émission Au cinéma de soir (1972) sur Hôtel du Nord et la lecture d'une correspondance échangée entre Louis Jouvet et Henri Jeanson sur l'origine du film Un revenant de Christian Jacque, rareté radiophonique datée de 1946 tirée d'un disque 78 tours à gravure directe.

Comment se composent les collections de l’Ina et sur quels supports sont-elles conservées ?
BA : Au titre de la loi de 1986, l'Ina a comme mission la conservation et la valorisation de l'ensemble des programmes qui ont été produits et diffusés sur les chaînes de radio et de télévision publiques, depuis la RTF. Cela représente environ 2,5 millions d'heures de programmes, enregistrés sur une grande variété de supports originaux de toutes natures : pellicules 16 et 35mm, kinéscopes, bandes puis cassettes vidéo, disques 78 tours à gravure directe, bandes 6,25... et naturellement de plus en plus de programmes nativement numériques. A cette collection accessible aux professionnels sous forme de licences d'usage, se sont ajoutés au fil des ans des fonds extérieurs qui enrichissent et complètent le fonds de l'Ina : Actualités françaises, producteurs, institutions culturelles nationales et internationales...
Enfin, depuis 1995, l'Ina est également titulaire de la mission du dépôt légal de la radio et de la télévision auxquelles s'est ajoutée le web média en 2006. L'Ina collecte quotidiennement près de 200 chaines de radio-télé 24/7, et plus de 15 000 sites et comptes réseaux sociaux. L'objectif ici est de mettre à disposition un panorama complet de ce qu'a été, ce qu'est et ce que sera le paysage audiovisuel, public comme privé, à des fins exclusivement non commerciales : travaux de recherche universitaire, étudiant, Arcom...
Au total, ce sont près de 30 millions d'heures de programmes accessibles à nos différents publics et usagers, une collection assez unique en son genre dans le monde.

L’Ina participe à une table ronde sur la constitution d’une politique patrimoniale pour l’audiovisuel. Sans déflorer le sujet, il semblerait qu’un certain flou subsiste, aux yeux de nombreux professionnels qui méconnaissent ses missions fondamentales. Partagez-vous ce constat ?
Antoine Bayet : Je dois vous avouer que je suis assez surpris de cette question de la part d’observateurs aussi aguerris que Le Film Français. En 2025, l’Ina, le média patrimonial de service public, est plus que jamais fidèle à ses missions, parmi lesquelles, en lien avec votre question, on peut notamment citer, d’une part, la conservation des archives audiovisuelles des entreprises du secteur audiovisuel, et, d’autre part, l’exploitation et la transmission de ces patrimoines, notamment auprès du grand public. C’est notamment le cas avec Madelen, la plateforme de streaming illimité sur abonnement de l’Ina (2,99€/mois), lancée en 2020, et qui rencontre un succès croissant auprès du grand public, avec près de 100 000 abonnés, et qui est en forte croissance. La politique patrimoniale pour l’audiovisuel existe.

Comment déterminez-vous le choix des œuvres disponibles sur Madelen ?
AB : Madelen propose les meilleurs programmes diffusés par la télé depuis que la télé existe : séries culte, films rares, émissions emblématiques, théâtre classique et de boulevard. Elle repose sur une stratégie d’éditorialisation singulière, avec une équipe éditoriale spécialisée dans la transmission patrimoniale. A date, la plateforme propose près de 11 000 œuvres, sélectionnées par une équipe éditoriale spécialisée, dont la mission est de tisser chaque jour des liens entre patrimoine et enjeux contemporains. Nous les animons et les renouvelons suivant des critères de pertinence éditoriale. Certains sont issus de nos fonds directement, mais nous ne limitons pas à cette seule source : les œuvres proposées aux abonnés peuvent aussi venir d’accords signés avec des détenteurs de droits.