Télévision

Lumière MIFC 2025 - Comment valoriser au mieux le patrimoine audiovisuel ?

Date de publication : 15/10/2025 - 08:02

La table ronde "Vers une politique patrimoniale audiovisuelle ?" qui a lieu ce 15 octobre au MIFC, accueillera notamment la première restitution du rapport commandé à Michel Gomez sur la préservation et la valorisation du patrimoine audiovisuel.

En mars dernier, lors de son intervention à Séries Mania, la ministre de la Culture, Rachida Dati a annoncé avoir confié, via le CNC, une mission à Michel Gomez "sur la préservation et la valorisation du patrimoine audiovisuel qui n’entre pas déjà dans le champ d’intervention de l’Ina". Ancien délégué général de la Mission cinéma de la Ville de Paris, économiste de formation Michel Gomez dévoilera ses conclusions le 15 octobre à Lyon lors d’une table ronde intitulée "Vers une politique patrimoniale audiovisuelle ?"

Le point d’interrogation est d’importance, car, comme le souligne André Labbouz, président de la Commission supérieure technique de l’image et du son, qui occupe depuis 1990, les fonctions de directeur technique et des post productions de Gaumont et participera à la table ronde "rien n’a été fait en matière de conservation patrimoniale de l'audiovisuel, à commencer par un recensement". Le rapport de Michel Gomez sera aussi l’occasion de préciser le rôle de l’Ina qui, de par ses statuts "assure la conservation des archives audiovisuelles des entreprises du secteur audiovisuel public ainsi que de toute entreprise, désireuse de lui confier la conservation et l'exploitation de ses archives audiovisuelles" mais aussi "le dépôt légal de la télé et de la radiodiffusion et, avec la Bibliothèque nationale de France, du web".

Mais un certain flou subsiste, aux yeux de nombreux professionnels qui méconnaissent le travail réel de l’Institut National de l’Audiovisuel. "Dans les milieux de l’audiovisuel on a pris conscience très tardivement de la valeur des catalogues" explique Christophe Massie, directeur général délégué de Eclair Preservation by Netgem. "Cela commence à venir sur certaines propriétés intellectuelles, mais cette approche est vraiment récente". Par ailleurs, contrairement aux supports utilisés dans les milieux du cinéma, fictions et séries TV sont parfois finalisés en simples fichiers ProRes, impossibles à utiliser dans des exploitations futures. "Cela promet des réveils douloureux car on sait à présent que les diffuseurs demandent des définitions bien supérieures" souligne Christophe Massie.

"J’ai revu récemment les images d’un téléfilm de 2013, mais il y avait une énorme perdition" confirme André Labbouz. "Et puis aujourd’hui on n’étalonne plus du tout comme ça. Je pense que sur une grande dalle comme on en voit de plus en plus actuellement chez les particuliers, ça ne passe pas, même si on n’est pas spécialiste". Et si on remonte plus avant, quand la fiction destinée à la télévision était encore tournée sur pellicule, les montages négatifs n’étaient pas forcément effectués par souci d’économie, ce qui rend la restauration de telles œuvres problématique et surtout très coûteuse.

Pour André Labbouz, la première étape indispensable serait de faire un inventaire de l’ensemble du patrimoine audiovisuel français. Le chantier est colossal et vertigineux, si on prend comme mètre étalon tout ce qui été fait pour le cinéma. Début 2011, le CNC a financé une prestation d’inventaire national "afin d’identifier et de localiser chez les prestataires d’archivage les éléments argentiques susceptibles d’être numérisés afin de permettre une nouvelle circulation des œuvres, ainsi que d’en connaitre l’état de conservation". "Les données existent mais regrouper toutes les informations est extrêmement complexe car tout n'a pas été inventorié de façon précise, loin de là" expliquait Laurent Cormier, directeur du patrimoine cinématographique du CNC dans une interview accordée au Film Français en octobre 2015. "Il faut en effet ouvrir chaque boite, identifier les éléments, noter leur état, faire des tests de vieillissement, relever toutes les informations disponibles sur le réalisateur, les ayants droits..."

Un chantier toujours en cours puisque une première liste arrêtée au 31 mars 2025 devra encore être actualisée en janvier 2027. Au regard du ficher Excel listant les premiers éléments de cet inventaire, les résultats disponibles semblent probants. A titre d’exemple, les éléments du film de Jean-Pierre Mocky, Y a-t-il un Français dans la salle ?, produit en 1981 sont entreposés chez LTC patrimoine et Netgem - Eclair Preservation tandis que ceux de Sa majesté Minor de Jean-Jacques Annaud sont toujours chez LTC.

Mais la difficulté d’un inventaire du patrimoine audiovisuel passe aussi par l’identification des ayants-droits, certaines sociétés de production ayant disparu corps et bien. La chaîne des droits est donc à reconstituer totalement avant d’envisager une sauvegarde des éléments en vue d’une éventuelle exploitation future. La recommandation technique de la CST RT043 portant sur "les bonnes pratiques en matière de contrat de conservation afin d’assurer la recherche d’exploitation suivie des œuvres", même si elle vise avant tout la filière cinématographique, met en effet clairement en avant le rôle du producteur car elle suppose "la conclusion d’un contrat de service entre le producteur et le(s) prestataire(s) assurant la sécurisation des éléments constitutifs de l’œuvre". Or hormis quelques cas spécifiques, au sein de sociétés soucieuses de la valeur de leurs catalogue, c’est rarement le cas dans l’audiovisuel. "Il faut imposer dès à présent de tels contrats pour ce secteur" assène Christophe Massie. "Au début cela va peut-être en mécontenter certains comme dans le cinéma, mais au final tout le monde sera gagnant". Le débat promet d’être riche. "Je pense que ça va être assez costaud car c’est un vaste champ à investiguer" conclut André Labbouz.

Patrice Carré
© crédit photo : Eclair Preservation Netgem


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