Cinéma

Congrès FNCF 2018 - Charles Rivkin : "La lutte contre le piratage doit s'agencer au niveau international"

Date de publication : 26/09/2018 - 08:45

De passage en France à l’occasion du Festival de Cinéma américain Deauville, le président de la MPA a tenu à s’exprimer sur le sujet du piratage, sujet de la table-ronde de ce 73e Congrès de la FNCF ce mercredi matin.

Quelles sont les conséquences du piratage sur le territoire américain ?
C’est un sujet très important, qui représente des milliards de dollars de manque à gagner. La première conséquence demeure l’emploi. Notre industrie soutient 2,1 millions d’emplois dans les 50 Etats. Si nos productions sont volées, c’est l’argent de ces emplois qui disparaît. Ensuite viennent les risques auxquels s’exposent les consommateurs de contenus piratés. Dans une récente étude, nous avons relevé qu’un internaute visitant un site pirate a 28 fois plus de risques d’être touché par un virus informatique. Près de 90% des publicités sur ces plateformes sont à risque. Au-delà, le piratage porte aussi bien atteinte à la création qu’à la diversité des œuvres.

Avez-vous estimé exactement le manque à gagner ?
Rien que par le biais du Peer-to-Peer, ce ne sont pas moins de 9,4 milliards de contenus audiovisuels qui ont été piratés dans le monde entier en 2017. On estime parmi eux 542 millions de téléchargements pratiqués depuis le sol américain. Et encore, cela n’inclut pas les autres protocoles, comme le Streaming et le DDL ! Les chiffres sont massifs.

Comment regardez-vous, depuis les Etats-Unis, l’évolution du phénomène en France ?
Nous nous réjouissons de l’opportunité de travailler avec l’Alpa, dont nous sommes membres. Grâce à cette organisation, sous la présidence de Nicolas Seydoux, nous avons prouvé récemment une certaine efficacité dans notre lutte contre le piratage en France. Mais le phénomène dépasse l’Hexagone. Il ne doit pas être jaugé à la hauteur d’un seul territoire, il ne connaît pas de frontières. Le meilleur moyen d’agir est de le faire au niveau international.

Justement, quels moyens déployez-vous sur le plan international ?
Nous avons fondé une organisation appelée ACE, pour Alliance for Creativity and Entertainement (en français, Alliance pour la création et le divertissement, Ndlr). Ace regroupe six studios membres de la MPAA, qui sont les plus importants des Etats-Unis, auxquels s’ajoutent Netflix, Amazon et 22 autres sociétés, dont Canal+. Cette trentaine d’acteurs travaille main dans la main pour contrer le piratage sur chaque territoire du monde.

Au sein de cette organisation, quelles sont vos marges de manoeuvre ?
Nous collaboration avec les gouvernements locaux. Dans certaines juridictions, nous travaillons à bloquer les sites pirates. Dans d’autres, nous œuvrons sur des problématiques plus récentes. Par exemple la Kodi Box, sorte de "Streaming Box" ou ISD, pour Illegal Streaming Device. Ce type d’appareil forme actuellement une menace importante pour nos productions. La Kodi Box est particulièrement traître. Vous pouvez l’acheter et l’utiliser légalement, mais la plupart des utilisateurs l’utilisent à des fins illégales. Avec les logiciels adéquats, l’appareil agglomère ainsi tous les contenus disponibles en streaming sur Internet et les propose ensuite dans un habillage très qualitatif. Le seul moyen de le contrer est de s’attaquer aux fabricants des logiciels qui alimentent la box. Nous avons un stratégie bien précise pour ce faire. Nous testons actuellement, dans différents Etats des Etats-Unis, ces dispositifs afin de mieux comprendre comment les combattre.

La lutte contre le piratage n’est pas qu’une bataille, c’est une guerre presqu’infinie. Chaque jour, une nouvelle menace apparaît. Aujourd’hui, ce sont les ISD, demain ce sera autre chose. La clé est de rester flexible, d’alimenter un réseau global, de collaborer avec les autorités et les institutions de chaque territoire. A ce titre, ACE est peut-être la meilleure organisation possible pour le faire mondialement.

Vous qui êtes un ancien ambassadeur, pensez-vous possible de peser sur des organisations internationales comme l’Icann, pour éviter que des noms de domaines soient attribués à des fins illicites ?
Parmi mes fonctions à la tête des Affaires économiques et sociales du Secrétariat d’Etat américain, je m’occupais en effet de tout ce qui touchait à la protection de la propriété intellectuelle. Ce faisant, j’ai visité plus de 40 pays et rencontré leurs dirigeants. Je m’appuis donc sur un réseau très vaste et utile. Et bien sûr, sur le terrain, nous travaillons avec l'Icann et d’autres institutions équivalentes. Nous tentons d’initier un mouvement international pour lutter contre le piratage, et ACE est la pierre angulaire de cette stratégie. Nous allons d’ailleurs accueillir d’autres membres et atteindre d’autres territoires. Durant mon mandat, mon ambition est de parvenir à établir une coalition mondiale pour peser et lutter agressivement à l’échelle internationale.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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