Cinéma

Lumière MIFC 2018 - Éric Miot (Afcae) : "Faire en sorte que la parenthèse enchantée de Lumière se prolonge toute l’année"

Date de publication : 18/10/2018 - 08:45

Alors que la collaboration entre l’ADRC (Agence pour le développement régional du cinéma) et l’Afcae prend de l’ampleur au sein du volet professionnel du festival Lumière, rencontre avec le responsable du groupe Patrimoine-Répertoire de l’association des cinémas d'art et essai. L’occasion de revenir sur ce partenariat, mais aussi de creuser les enjeux et problématiques de l’exploitation du cinéma de patrimoine en salle.

L’Afcae et l’ADRC proposent cet après-midi trois projections aux exploitants accrédités au Marché international du film classique (MIFC). Que pouvez-vous nous dire sur ces titres ?
Les films que nous proposons avec l’ADRC représentent parfaitement notre ligne éditoriale de soutien aux œuvres rééditées : soit un classique de Fritz Lang, Au fil de l'eau, un film noir gothique où l’on retrouve la patte de son auteur ; un objet culte du début des années 1980, New York 1997 de John Carpenter ; et une perle rare, invisible depuis de longues années, Olivia de Jacqueline Audry. Ce dernier osait aborder, en 1951, l’homosexualité féminine sans condamnation ni caricature. Finalement, ces trois œuvres étaient, et restent aujourd’hui, d’une étonnante modernité.

La collaboration entre l’Afcae et l’ADRC au sein du MIFC s’est considérablement renforcée lors de ces dernières éditions. Quelle importance revêt cette manifestation pour votre action ?
C’est une volonté forte de nos deux structures d’être associées à cet événement. Le festival Lumière et tout particulièrement le MIFC est un moment important pour tous ceux qui œuvrent pour un meilleur accès à la culture cinématographique. Il existe aujourd’hui un écosystème, indispensable mais fragile, qui réunit des institutions, des structures territoriales, des distributeurs, des salles de cinéma, des cinémathèques et des festivals. Il est essentiel que tous ces acteurs travaillent ensemble pour atteindre encore de meilleurs résultats, et faire que la parenthèse enchantée que constitue le festival Lumière se prolonge toute l’année, un peu partout en France, au plus près des gens, dans les salles.

Un peu plus de deux ans après la mise en place du nouveau dispositif de soutien Patrimoine-Répertoire de l’Afcae, quel bilan en tirez-vous ?
Ces nouveaux dispositifs ont été mis en place à partir d’autres dispositifs qui avaient déjà fait leurs preuves depuis 15 ans. Ils ne partaient pas de rien. Ils nous ont permis de mieux éditorialiser nos choix, de dire aux programmateurs et aux exploitants pourquoi l’on soutient tel ou tel film. La médiation est au cœur de ces nouveaux dispositifs : les tournées d’intervenants pour accompagner les films de la rétrospective Clouzot et les films japonais ressortis cette année connaissent un vrai succès, de même que les avant-programmes numériques consacrés à des auteurs (Clouzot, Imamura, Bergman). Ce sont des accompagnements de ce type que nous souhaitons de plus en plus apporter aux salles.

Y a-t-il d’autres évolutions envisagées à l’avenir ?
Il est certain que nous aimerions intensifier ces actions. Il faudrait pouvoir multiplier les interventions, réaliser plus d’avant-programmes numériques, mais tout cela n’est pas qu’une question de volonté ou de priorité. Il faut aussi des moyens financiers en adéquation avec cette mission, qui est primordiale à une époque où les images se propagent sans la moindre clef de lecture pour le public, sans aucune médiation pour l’aider dans ses choix. Il y a donc encore beaucoup de travail.

Au regard des enjeux autour du jeune public pour le cinéma de patrimoine ou de répertoire, des actions communes avec le groupe Jeune Public de l’Afcae pourraient-elles être envisagées ? Si oui, sous quelle forme ?
Je n’aime pas cette idée de case, mais il faut l'accepter, car on n’a rien inventé de mieux. Je suis favorable à ce qu'on montre des films classiques très tôt aux enfants, chez qui la découverte et l’expérience du cinéma doivent aller au-delà des films d’animation. Il faut les décomplexer avec la notion de "vieux film", leur donner le goût du cinéma. Donc, le groupe Jeune Public fait toujours attention à soutenir des films classiques (Le jour où la Terre s’arrêta, Les aventures de Pinocchio…). Nous échangeons régulièrement entre responsables de groupe. C’est Guillaume Bachy qui a attiré mon attention sur la réédition de La belle qui aurait pu être soutenue par les deux groupes. On pourrait d’ailleurs accompagner certains de nos films d’un signalement du genre "convient aussi au jeune public".

Comment évolue la diffusion du cinéma classique dans vos salles adhérentes ces dernières années ?
338 cinémas ont été labellisés en 2017 (soit plus de 25% du parc art et essai). Et beaucoup d’autres salles diffusent du patrimoine de manière ponctuelle. Ces chiffres sont encourageants. Malgré la profusion des nouveautés, des exploitants, convaincus de l’importance qu’il y a aujourd’hui à développer la cinéphilie, accordent une place dans leur programmation à la découverte des grandes œuvres du cinéma. Le travail mené dans des lieux spécialisés est indispensable, mais il est important que les films du patrimoine aient aussi une place à côté de ceux qui font l’actualité. Ce rôle-là, c’est la salle de cinéma qui le joue.

Vu de l’exploitation, comment se comporte le marché envers le cinéma de patrimoine en France ?
Il y de francs succès, comme les rétrospectives Clouzot ou Ozu, mais aussi beaucoup de films qui ont des difficultés à trouver leurs spectateurs. L’économie des films de patrimoine ou de répertoire ne peut pas fonctionner sur le même schéma que celui des autres œuvres. Certains titres peuvent mener une carrière sur du long terme, nous ne sommes pas soumis aux mêmes contraintes de temps. C'est d’ailleurs un problème, car cela va à l’encontre de notre société consumériste. Pour terminer, je dirais à un exploitant qui veut se lancer dans la diffusion des œuvres classiques d’être patient, persévérant et obstiné. Cela finit toujours par être payant.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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