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Cinéma

Lumière MIFC 2020 - Sophie Seydoux, la passion de la transmission

Date de publication : 14/10/2020 - 08:30

Récipiendaire du prix Fabienne-Vonier 2020, la présidente de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé est l’une des rares femmes dans l’univers du patrimoine. Cette récompense met en avant le travail de cette pilote inspirée d’un vaisseau amiral entièrement dédié à l’Histoire du 7art.

La façade intimide presque. Ne fut-elle pas imaginée par Rodin  ! Passé ce “rempart” architectural en harmonie avec la très bourgeoise avenue des Gobelins, entrer dans la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, c’est pénétrer de plain-pied dans l’ultramodernité. Avec cet espace multimodal d’une superficie de 2  200 m2 conçu par Renzo Piano, ouvert en septembre 2014, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé œuvre à la conservation et à la mise à disposition du public du patrimoine historique de Pathé par de multiples actions, en étant par exemple un centre de recherche destiné aux historiens, aux enseignants et aux étudiants, ainsi qu’à tous ceux qu’intéresse le cinéma. Par son activité, elle contribue à la promotion de l’Histoire du cinéma à travers l’Histoire de Pathé. Pour la diriger, Sophie Seydoux, que le ­Festival Lumière honore cette année du prix Fabienne-Vonier. Il est remis à une personnalité féminine de l’industrie du cinéma en hommage à la cofondatrice de la société Pyramide. “Je suis très heureuse de le recevoir. À plusieurs titres. J’avais une grande amitié pour Fabienne Vonier  : je l’admirais pour sa sensibilité, ses choix artistiques et la force de son combat pour imposer ses films et les présenter. J’ajouterai aussi un grand respect pour la façon avec laquelle elle s’est battue contre la maladie. Recevoir le prix, c’est recevoir un peu d’elle. C’est très important pour moi”, déclare Sophie Seydoux. “Je suis très fière du travail que j’ai effectué chez Pathé et à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé dans le cadre des restaurations de films. Que l’équipe de la Fondation et moi-même recevions ce trophée est un formidable signe de reconnaissance.”

Sa passion pour l’Histoire du cinéma ne date pas d’hier  : “À 18 ans, je passais beaucoup de temps à la Cinémathèque. J’étais très proche de Henry Langlois. Lui et Mary Meerson (sa ­compagne et sa plus proche collaboratrice, Ndlr) étaient des amis proches. Je me souviens qu’un jour, Henry avait programmé un film japonais sous-titré en hongrois. Après la séance, la jeune fille timide que j’étais s’était permis de lui faire remarquer que je ne parlais ni l’une ni l’autre langue. Il m’avait alors retorqué : ‘Sophie, si tu n’es pas capable de saisir la musicalité d’un film, tu ne feras jamais rien dans le cinéma’”, se souvient-elle, amusée.

“Conserver, transmettre et valoriser”

Spécialisée dans l’histoire de l’art, en particulier dans la photo, elle demande un jour à son mari d’aller fouiller dans les archives maison, certaine que de grands photographes ont œuvré sur des tournages. Trouvant beaucoup de documents, elle le convainc que ce fonds d’archives extraordinaires ne doit pas être dispersé. “Les archives de la Fondation racontent l’Histoire du cinéma à travers l’histoire d’une société. Nous avons la chance, unique au monde, de les avoir conservées depuis la création de Pathé en 1896. De là est partie l’idée de la Fondation  : ­conserver, ­transmettre et valoriser”, s’enthousiasme-t-elle. Et Sophie ­Seydoux d’insister entre autres sur le travail de la ­Fondation auprès de la jeunesse avec une série d’initiatives dédiées à lui faire par exemple découvrir la pellicule ou les premières caméras.

La Fondation, qui s’est spécialisée dans le cinéma muet, propose des projections quotidiennes, des cartes blanches à toutes les cinémathèques mondiales et voit son exceptionnel fonds d’archives régulièrement enrichi par de nouvelles acquisitions. Les collections comprennent un riche ensemble de matériel iconographique et publicitaire, des documents imprimés, des appareils et des accessoires cinématographiques, des objets, une bibliothèque d’ouvrages et de périodiques, ainsi que les archives administratives et juridiques de Pathé depuis sa création. Celle qui s’occupe de la restauration chez Pathé et à la Fondation aura une belle actualité au Festival Lumière  : la ­Fondation présentera cette année La femme et le pantin de Jacques de Baroncelli, qui date de 1923. “De toutes les versions de ce film qui ont été réalisées, de celle de von Sternberg à celle de Buñuel en passant par celle de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot, celle de ­Baroncelli est pour moi la plus parfaite. En effet, l’actrice Conchita ­Montenegro est une enfant et une femme, elle était d’ailleurs mineure au moment du tournage et elle incarne parfaitement le trouble que peut provoquer l’héroïne qu’avait imaginée Pierre Louÿs dans son roman”, commente-t-elle. Pathé présentera également plusieurs œuvres dans le cadre de l’hommage rendu à Michel Audiard pour le centenaire de sa naissance, dont 125, rue Montmartre et Par un beau matin d’été.

“Nous sommes une petite structure (la Fondation compte neuf permanents, Ndlr) et je ne souhaite pas que cela change”, ­poursuit Sophie Seydoux. “La feuille de route que nous nous sommes fixée pour l’avenir n’a pas changé. Nous voulons promouvoir l’Histoire du cinéma en mettant à la disposition du public et des chercheurs un centre de documentation, des salles d’exposition, des ateliers pour les enfants et une programmation quotidienne de films muets accompagnés au piano, issus de notre catalogue et des cinémathèques françaises et étrangères. Nous aimerions étendre cette programmation à des titres du début du parlant, période un peu oubliée. J’aimerais aussi intégrer les archives des actualités Pathé en mêlant mieux nos cycles avec ces actualités et redonner le rythme des séances d’antan.” Et la présidente de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé de conclure : “Toute ma vie n’est que transmission, nous ne sommes que les maillons d’une chaîne.” 

François-Pier Pelinard-Lambert
© crédit photo : Thomas Lang


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