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Cinéma

Lumière MIFC 2017 - L’Institut Lumière crée une plateforme de référencement des documentaires sur le 7e art

Date de publication : 20/10/2017 - 08:30

Après avoir abordé ce sujet il y a deux ans, le MIFC a continué de creuser le thème du documentaire sur le 7e art à travers plusieurs cas pratiques, dont la série produite par Jean Labadie sur les producteurs français. Thierry Frémaux a aussi annoncé la création de la plateforme de référencement des documentaires sur le cinéma.

En introduction de la conférence, le 19 octobre, Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière et de son festival, a annoncé le lancement d’une plateforme professionnelle de référencement des documentaires sur le cinéma.
Appelée Doc Ciné, cette initiative est née du fait que si beaucoup de documentaires autour du cinéma sont produits, il n’en reste souvent rapidement plus de traces. "Or la parole d’un cinéaste, c’est la seule qui existe. Par exemple, le documentaire sur Mankiewicz de Michel Ciment, où est-il ? Qui a les droits ? Idem pour les nombreux documentaires produits par Ciné+. Il y a aussi les bonus de DVD, des making off qui disparaissent ensuite", a-t-il cité comme exemple.

La plateforme a vocation à recenser tous ces travaux. Appelée à ce stade Doc Ciné, elle s’appuiera sur la base de données Cinando. "Ces documents sont aussi la mémoire du cinéma. Elle s’appuiera sur tous ce que les ayants droit voudront bien nous donner comme informations." Pour l’Institut Lumière, cet outil est appelé à devenir la référence pour tous ceux qui cherchent du contenu ayant trait à l’histoire du 7e art, qu’il s’agisse donc de portraits d’acteurs, réalisateurs ou de programmes plus techniques. Et elle pourra permettre de faire connaître ce qui existe, et aux ayants droit de vendre des images. L’Institut Lumière va travailler en lien avec la Scam.

La conférence s’est poursuivie autour de plusieurs cas pratiques.

Le premier est Cinekino, une série documentaire de 10x26 minutes consacrée à l’histoire du 7e art européen, chaque épisode présentant le cinéma d’un pays. Cette coproduction franco-allemande entre Pierre-Olivier Bardet (Idéale Audience) et Thomas Kufus (Zero One Film) est née de l’initiative d’Alain Le Diberder d’Arte. La production s’est appuyée sur deux historiens du cinéma, le Français Jean Ollé-Laprune et l’Allemand Rainer Rother. Elle est aussi réalisée par un Français et un Allemand, Laurent Heynemann et Matthias Luthard.
Cette alliance a d’abord donné lieu à deux épisodes de 52 minutes sur l’histoire des relations franco-allemandes dans le cinéma. "On a nous ensuite proposé de nombreux pays, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la République tchèque, la Suisse, l’Autriche, la Suède, Pologne…", a expliqué Thomas Kufus. Du coup, les producteurs ont décidé de se lancer dans des monographies pays par pays. La série doit être diffusée sur Arte l’an prochain au moment du Festival de Berlin.
"Nous avons cherché à doser entre des choses connues et d’autres moins connues dans chaque pays. Chaque scénario a été validé par l’expert du pays et la chaîne. Il y avait une demande d’Arte de rubriquer pour retrouver d’un pays à l’autre les mêmes 'bornes', qui ont été définies par les deux auteurs. Par exemple, chaque épisode évoque la scène érotique et la scène comique emblématique de chaque pays", a raconté Pierre-Olivier Bardet.
Les producteurs ont évoqué le problème bien connu de tous les documentaires nécessitant des archives : le coût "exorbitant" pour y accéder, et "plus grave", la question même de leur accès. La durée limitée (cinq ans) des droits entraîne une durée de vie des films "beaucoup trop courte". "C’est une erreur historique, économique et culturelle de ne pas pouvoir avoir des droits plus longs", ont-ils estimé.
Le budget de Cinékino est de 1,5 M€. Les deux sociétés ont monté des coproductions avec chaque pays, les coproducteurs ayant la possibilité d’acheter les droits pour un seul épisode ou pour tous. Certains ont permis des collaborations pour accéder aux archives. Le pays le plus difficile pour cet accès ayant été l’Italie. Les questions de droits déjà évoquées ne permettent pas d’envisager une déclinaison éducative sur internet. "Il y a un tel potentiel éducatif, il devrait y avoir des règles pour des prix bas pour ce type d’utilisation", a plaidé Thomas Kufus.

Jean Labadie (Le Pacte) a enchaîné avec la série qui est en cours de fabrication, Le temps des Nababs, qu’il coproduit avec Serge Lalou (Les Films d’Ici). Cette collection s’intéresse aux producteurs et à la production française avant l’arrivée des chaînes de télévision dans leur financement, de l’après-guerre aux années 1980. Il a développé lui-même le projet.
"Cette idée vient de la chance que j’ai eu de rentrer dans ce métier en ne connaissant absolument rien. Alors que je venais d’entrer chez MK2, en 1978, quand je rencontrais des producteurs comme Claude Nedjar ou Robert Dorfmann, je me demandais comment ils faisaient ? Robert Dorfmann racontait des histoires extraordinaires sur son métier mais n’a jamais voulu les mettre par écrit. Quand il est décédé, j’ai trouvé dommage que cette mémoire disparaisse. Si énormément de choses existent sur les producteurs américains, il y en a très peu sur les producteurs français. Car il y a peu de tradition économique dans le cinéma en dehors des États-Unis."
Cette série, dont le budget n'a pas été donné, a réussi à lever 33 000 € (sur 30 000 demandés) en financement participatif via Kiss Kiss Bank bank. "Beaucoup de professionnels ont cotisé", a précisé Jean Labadie. Il a expliqué que ce projet était aussi rendu possible car Serge Lalou et lui-même avaient d'autres activités qui permettaient de ne pas compter de frais généraux ni de salaires producteurs. Cinékino a d'abord eu les engagements de Ciné+ et de TV5 Monde. "Nous espérons qu’une fois la série terminée, nous arriverons à toucher d’autres chaînes, ce qui nous permettrait de rémunérer un peu mieux ceux qui font un effort pour nous permettre d’obtenir des extraits de films." 
"Ça serait formidable de faire ce même exercice pour d’autres pays comme l’Italie. Mais la France a un rapport à la cinéphilie beaucoup plus fort qu'ailleurs. Et dans l'Hexagone, il n’y a qu’un seul studio qui n’a jamais stoppé la production, Gaumont. Sinon, ce sont une myriade d’indépendants, de personnalités qui ont fait l’histoire du cinéma français, plus que les six grands studios aux États-Unis ou la UFA en Allemagne". Jean Labadie veut tenter d’aller vite, beaucoup des témoins étant évidemment assez âgés, son objectif étant de finaliser Le temps des nababs fin 2018.

Le MIFC a aussi invité la productrice Myriam Sassine (Abbout Productions) et les réalisateurs, Badih Massad et Antoine Waked, d’Un certain Nasser, venus de Beyrouth. Ce documentaire présenté au Festival Lumière est consacré au premier réalisateur de cinéma au Liban, Georges Nasser, considéré comme le père du 7e art local. Il avait concouru en compétition à Cannes en 1957 avec le film Vers l’inconnu, dont la copie restaurée a été projetée à Cannes Classics cette année.
Le documentaire évoque à travers lui l’histoire du cinéma libanais et de son pays. Il est lié à la restauration de Vers l’inconnu, a raconté la productrice. "À 87 ans, Nasser était venu rencontrer le producteur Georges Schoucair, fondateur et dirigeant d’Abbout Productions. Quand il est parti du bureau, Georges nous a dit : Il faut absolument faire quelque chose sur lui, avant que quelque chose se passe. Il faut tourner et on verra quoi en faire plus tard."
Abbout Productions a eu recours à des investissements privés, mais aussi au ministère de la Culture libanais, à l’OIF, à l’Académie libanaise des beaux-arts et à l’apport en industrie des laboratoires de postproduction. "Il y a eu une sorte de solidarité du monde du cinéma au Liban, et l’équipe est constituée d'anciens élèves de Nasser, a raconté la productrice. Il y avait peu d’archives disponibles, hormis des extraits de Vers l’inconnu." Entre temps, ce film a été restauré. La présélection à Cannes Classics, la promesse de visibilité que le festival offrait, a permis de trouver les partenaires pour finaliser cette restauration, et notamment un laboratoire, Neyrac Films, "qui nous a proposé un devis raisonnable."
Pour la diffusion du documentaire, Abbout Productions cible les festivals en double programme avec Vers l’inconnu, et cherche des acheteurs pour une sortie DVD ou blu-ray. Au Liban, une sortie en salle du double programme est prévue pendant une semaine (Metropolis) ainsi qu’en DVD. "Reste à savoir s’il peut avoir une vie en dehors du Liban et du Moyen-Orient", s'est interrogée la productrice.

Par la suite, Jean-Marie Barbe est venu parler de la plateforme Tënk dédiée au documentaire d’auteur. Né du constat alarmant du sort du documentaire d’auteur, ce service de vidéo à la demande par abonnement créé il y a 15 mois compte atteindre les 8 000 abonnés d’ici février 2018. Soit un seuil de rentabilité suffisant pour la diffusion, après lequel Tënk veut passer au stade de la production ou coproduction, de 100 films par an.
Concernant le documentaire de cinéma, Tënk compte s’associer à Ciné+ à partir de septembre 2018, a indiqué Jean-Marie Barbe, sans en dire plus. Mais déjà la plateforme propose un espace dédié à des documentaires autour du cinéma avec une approche créative. "Notre souci est de regarder comment Marker fasciné par Kurosawa fait A.K., d’aller chercher des regards qui documentent", a-t-il résumé. 

Sarah Drouhaud


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