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Cinéma

Congrès FNCF 2022 - Victor Hadida : "Les éditeurs de films, maillon essentiel mais le plus à risque"

Date de publication : 21/09/2022 - 08:15

Dans le cadre très politique du troisième jour de Congrès, marqué par les échanges avec les pouvoirs publics et la venue ministérielle, entretien avec le président de la Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF), co-organisateur de la journée du jeudi, pour revenir sur les graves enjeux qui traversent le secteur de la distribution.

On se souvient que les distributeurs et éditeurs de films se sont dits choqués par les annonces ministérielles de l’an dernier au Congrès de la FNCF, comment abordez-vous cette nouvelle édition ?
L’an dernier, nous nous sommes bien évidemment réjouis du soutien apporté aux exploitants dans un contexte difficile. Le choc été de constater que les éditeurs des films ne bénéficiaient pas du même niveau de soutien, alors même qu’ils avaient subi pour moitié les pertes de recettes sur les entrées lors de la mise en place du pass sanitaire. Nous nous sommes sentis incompris voire sacrifiés. Cette année, nous avons bon espoir que la prise de conscience soit plus grande sur l’exposition des éditeurs à la crise, suite notamment au bilan dressé par la Cour de comptes sur les aides Covid. L’ensemble de filière se fait d’ailleurs l’avocate des éditeurs de films, identifiés comme un maillon essentiel mais le plus à risque.
 
Cette différence de traitement par les pouvoirs publics que vous avez dénoncé l’an dernier n’est-elle pas issue d’un souci d’image, de visibilité et de compréhension dont souffrirait le secteur de la distribution ? Si oui, comment y répondez-vous ?
Il est certain que le travail d’édition-distribution de films est peu connu en dehors de la profession, par rapport à d’autres acteurs de la filière. La prise de conscience est arrivée avec la disruption de l’offre qui a mis en lumière notre rôle essentiel, au moment où les salles se sont retrouvées sans approvisionnement ou, disons, sans une offre abondante et génératrice d’entrées. L’irruption dans notre économie des restrictions sanitaires, le besoin d’accompagnement financier lors de cette crise violente, a rendu nécessaire une meilleure compréhension de notre rôle auprès des pouvoirs publics mais également au sein de notre filière. Nous avons autant que possible essayé d’objectiver cette situation, notamment en expliquant le fantasme du mur de film dans une économie de l’offre et à travers la publication de chiffres extrêmement parlants. Nous avons ainsi mis en lumière le fait qu’à eux seuls, les éditeurs de la FNEF avaient injecté, en 2021, plus de 315 M€ dans l’écosystème du cinéma : 145 M€ d’investissement dans le préfinancement des films, 130 M€ de dépenses en frais de sortie et plus de 40 M€ de contribution à la TSA. C’est beaucoup plus que n’importe quel autre acteur du secteur. Et les éditeurs jouent un rôle de repérage et d’accompagnement des œuvres qui va bien au-delà de cet apport financier, comme vous le savez.
 
Qu’attendez-vous des pouvoirs publics pour votre secteur dans ce contexte de crise de fréquentation ?
Nous sommes d’abord conscients des efforts à fournir nous-mêmes, professionnels, face à une exigence du public qui évolue. Ensuite, les effets de la crise se sont fait sentir en même temps que l’exploitation mais aussi en décalage de phase, car notre cycle économique se mesure sur un temps long. La sortie de crise sera étalée, de sorte qu’un appui des pouvoirs publics reste nécessaire pour permettre à nos entreprises de pallier des recettes réduites et d’avoir de la trésorerie pour investir : c’est maintenant qu’il faut dépenser en marketing et en promotion pour que le public revienne en salles, tout en investissant parallèlement dans les films qui feront l’offre de demain. Concrètement, nous souhaitons un mécanisme incitatif pour les éditeurs de films, leur permettant de continuer à prendre des risques sur les frais de sortie et en montants garantis à la production. Notre demande récurrente d’un crédit d’impôt à la distribution-édition tendait à y répondre, mais nous ne sommes pas fermés a d’autres mécanismes.
Sans nos investissements, la production ne peut se financer ni garantir une exposition créatrice de valeurs et l’exploitation en salles ne peut survivre sans offre. Sans équilibre économique et financier, une partie des films sera déprogrammée des salles au bénéfice des plateformes numériques, ce qui n’est pas le modèle économique et culturel auquel nous sommes tous collectivement attachés.
 
Le débat de ce Congrès 2022 se concentre sur la reconquête des publics, quelles sont les principales clés de cette problématique aux yeux des distributeurs ?
Nous devons faire appel à tous les outils disponibles et tous les savoir-faire afin de redonner des couleurs à la fréquentation en salles. La première priorité est de donner de la visibilité aux films, de les rendre attractifs dans un contexte où les offres concurrentes de consommation domestique sont devenues pléthoriques. Pour cela, nous devons être en mesure d’investir dans les frais de sortie, et mobiliser des outils marketing élaborés. Cela nécessite de recourir plus largement à la data, un sujet clé pour la reprise du secteur, pour les éditeurs comme pour les salles de cinéma qui en bénéficieront. Elle permettrait notamment de rester en lien à moindre coût avec le public après la projection, lui rappeler sa satisfaction et le plaisir de l’expérience cinéma, à la fois dans sa dimension collective et sa dimension individuelle.
Le cinéma reste l’expérience culturelle favorite des français car il est imbattable dans son rapport qualité-prix et dans son accessibilité géographique. Je rappelle que les éditeurs de films n’ont aucune prise sur les tarifs mais il ne faut pas négliger pour autant le travail existant des exploitants sur leur grille tarifaire, car ils connaissent évidemment leur public et leur attente en la matière. L’augmentation croissante des formats premium indique aussi que le prix n’est pas toujours un frein, en tout cas lorsque le désir est présent chez le spectateur. C’est le manque de curiosité ou une certaine frilosité qui peut être un problème dans un marché de l’offre sur son segment le plus exigeant.
La seconde priorité est de s’adresser à tous les publics par une offre diverse, attractive et renouvelée, car tous les films ont une part active à jouer pour inverser les habitudes casanières du Covid et faire revenir tous nos publics en salles, des plus jeunes aux plus âgés. Il faudra également tenir compte des exigences extrêmement diverses et nouvelles du public, qui doit être au centre des réflexions créatives.
 
Que réserve la Journée des éditeurs de films de cette année, que vous coorganisez avec la FNCF ?
Cette édition veut montrer notre ambition d’un retour à une fréquentation pré-covid proche des 200 millions d’entrées, point d’équilibre de notre filière, avec 30 éditeurs présents et une quinzaine d’équipes de films. Nous y travaillons depuis des mois et je peux vous dire que tous les éditeurs se sont mobilisés pour apporter aux salles de cinéma des œuvres très diverses, dans tous les genres et pour tous les publics : cinéma populaire et art et essai, cinéma de réflexion et de divertissement, cinéma français et étranger…
Nous avons apporté des changements au rythme de la journée pour qu’elle soit plus fluide et plus démonstrative des œuvres, en privilégiant les équipes de films tout en conservant le même temps de parole à l’écran pour que 30 distributeurs s’expriment et que la journée se finisse vers 20h30.
C’est une grande satisfaction pour la FNEF d’être l’artisan de cette journée très attendue par la profession, et de faire découvrir à cette occasion une offre de films extrêmement prometteuse pour 2023. Cette journée devrait faire l’effet d’un remontant et d’une prise de conscience de nos nombreux atouts.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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