Cinéma

Annecy 2025 – Félix Dufour Laperrière : "C’est le récit d’une radicalité, de ses ambivalences, de ses espoirs, de ses culs-de-sac"

Date de publication : 10/06/2025 - 08:13

Le cinéaste québecois, revient à Annecy avec La mort n’existe pas, son troisième long métrage après Ville Neuve puis Archipel. Fidèle à ses habitudes de fabrication il a de nouveau produit son film avec son frère Nicolas, tout en collaborant étroitement avec Miyu Productions.

Comment décririez-vous La mort n’existe pas en quelques mots ?
Un conte tragique, et fantastique, sur l’engagement. Engagement politique, amical et amoureux. Et aussi un film d’animation coloré, énergique.

Comment vous est venue l’idée de ce film, de cette fable ?
Le scénario s’est écrit sur plusieurs années, avec deux points de départs fictifs et distincts, bien que connexes. D’abord l’attaque frontale menée par des jeunes contre un symbole de richesse et de pouvoir. Ensuite le pacte faustien qui lie Hélène et Manon, dans leur traversée de la vallée, dans les pouvoirs qu’elles se découvrent, dans les conséquences possibles de leurs actes, qu’elles explorent.
C’est le récit d’une radicalité, de ses ambivalences, de ses espoirs, de ses culs-de-sac. Le récit d’une grande colère, de désirs immenses qui s’enflamment pour remettre le monde en mouvement et qui butent sur les limites de leurs actions, sur leurs contradictions. Les personnages prennent conscience d’une opposition claire, parfois irrésoluble : l’impossibilité de la violence et l’impossibilité du statu quo.
C’est un film que j’ai écrit en pensant à ma fille et à mon fils, en projetant sur leur avenir, encore entièrement ouvert, les doutes, les inquiétudes et les grands espoirs qui me traversent et m’habitent.

Jusqu’ici vous avez produit vous-même vos films avec Embuscade... coproduire avec Miyu vous a-t-il permis de bénéficier des moyens plus importants ?
Nous avons d’abord établi, avec Miyu, une relation autour du scénario, de ses ambitions, ses promesses et difficultés. Cette coproduction est ainsi avant tout une question d’affinités artistiques et de communauté d’esprit. Le financement français et l’excellence des animateurs des deux équipes françaises a par ailleurs beaucoup servi le film.

Quelles ont été les différentes étapes de fabrication du film ?
Le film a été entièrement dessiné à la main, sur tablette graphique, à raison de 12 dessins par seconde. Un soin tout particulier a été apporté à la mise en couleur, faite à partir de couleurs peintes sur papier, pour établir une proximité entre les personnages et les lieux qui les accueillent, pour lier la lisibilité de l’image aux mouvements des personnages, à leur évolution. C’est une tension qui me semblait fertile, celle de ne pas systématiquement détacher les personnages des décors, pour plutôt entretenir une liaison graphique entre les deux, une relation dynamique. C’est d’ailleurs à mettre en lien avec l’abstraction des aplats de couleur visibles au début et à la fin du film.

Quelle répartition entre la France et le Canada ?
Nous avons pris en charge, dans les studios montréalais d’Embuscade, l’animation des principaux personnages, la fabrication des décors et la finition des séquences (couleurs, assemblage des différents éléments, effets). Les deux équipes françaises, basées à Angoulême et Marseille, ont animé le personnage de la vieille femme ainsi que les séquences des bouleversements, séquences exigeantes et occupant une place particulière, un peu à part, dans la narration du film.

Vous êtes-vous entouré d’une équipe plus conséquente que d’habitude ?
Oui, tout à fait. Les équipes d’animateurs et d’assistants québécoises et françaises totalisaient un peu moins de 50 personnes, ce qui représente près du double de l’équipe de Ville Neuve, et plus du triple de celle d’Archipel, mes deux précédents longs métrages animés.

Des difficultés particulières ?
Une attention toute particulière a été portée à la mise en couleur, assez atypique. Ce qui a nécessité un travail important. Le film a été fabriqué avec un budget relativement modeste et l’équipe a dû redoubler d’efforts pour faire vivre pleinement à l’écran ses personnages, leurs désirs, leurs colères.

Quels financements avez-vous trouvé au Canada ?
Le film a été soutenu par la Sodec (Québec), Téléfilm Canada, le fond Harold Greenberg, les crédits d’impôts provinciaux et fédéraux, Radio-Canada et Maison 4tiers, son distributeur au Québec et au Canada.

A l’arrivée le film est-il semblable à ce que vous aviez imaginé au départ ?
Après près de dix ans d’écriture, de développement, de financement et de fabrication, le film est à la fois très différent, plus précis j’espère, plus amoureux, plus lumineux, et très proche de son impulsion première, inquiète et énergique. Dans le processus de fabrication, nous affinons plusieurs intuitions visuelles et formelles, et tâchons d’aiguiser les choix de mise en scène. Ce souci va de pair avec une réflexion continue sur les thèmes abordés, les partis pris déployés. Bref, au long cours de sa gestation, c’est un objet mouvant.

Qu'attendez-vous de cette à sélection à Annecy en compétition officielle ?
Le public annécien est très connaisseur, très au fait des aléas et particularités de la fabrication de l’animation. C’est donc une vraie joie d’y projeter le fruit de plusieurs années de travail, un film ambitieux et adulte. C’est un public exigeant, mais qui sait également déceler les raffinements, les subtiles élégances de l’image animée. Nous avons très hâte de leur montrer le film !

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR


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