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Lumière MIFC 2018 - La vidéo physique de patrimoine vue depuis le terrain

Date de publication : 17/10/2018 - 08:37

S’inscrivant dans un focus large sur l’édition vidéo livré par le Marché international du Film classique, la première table-ronde pratique de la manifestation s’est concentrée, le 16 octobre, sur la politique d’achats et de diffusion des œuvres de patrimoine sur supports physiques.

Ce mardi matin, une ambiance studieuse régnait dans la salle de conférence du village MIFC à l’occasion de l’ouverture du traditionnel colloque professionnel. Le lieu affichait pour l’occasion presque complet pour un premier rendez-vous pratique ayant pour thème "Quelles politiques d’achat pour l’édition vidéo physique de patrimoine ?", et modéré par Patrick Marteau, éditeur et rédacteur en chef des Années laser.

Une rencontre qui s’attachait principalement à décrypter les stratégies d’acquisition et de vente des enseigne en matière de cinéma de patrimoine en DVD, blu-ray et UHD, réunissant ainsi Chloé Duvernet, acheteuse pour Amazon, Pascal Brunier, dg de l’Adav - centrale d’achat dédiée aux réseaux culturels et éducatifs-, Bruno Jan, chef du secteur vidéo à la FNAC et Sébastien Simonetta, chargé de la catégorie vidéo & coffrets cadeaux, marché produits culturels chez Galec, centrale d’achat du Mouvement E.Leclerc.

Les débats se sont ouverts sur une prise de température du marché de la vidéo physique de patrimoine, et de sa clientèle, au sein d’un contexte en baisse constante et structurelle depuis une décennie. "On remarque une vraie appétence pour les films de patrimoine", a constaté ainsi Bruno Jan. "Mais le meilleur moyen pour toucher les clients sur ce créneau demeure le magasin. Après tout, le cinéma de patrimoine, c’est un lien, un pacte social passé avec la clientèle."

"Moins en décroissance"
Pour autant, si tous les panelistes s’accordent pour constater une décroissance moins importante sur l’activité patrimoine que le reste de la vidéo physique, beaucoup relativisent son potentiel pour soutenir durablement le marché. "Je ne pense pas qu’une grande quantité de sorties patrimoine palliera entièrement à la baisse du marché que l’on relève aussi sur ces films", a déclaré Pascal Brunier. "La part des titres de patrimoine au sein du marché augmente parce que le volume de sorties augmente, mais les ventes continuent de baisser", a renchéri Bruno Jan. "Les films de patrimoine sont moins en décroissance que le reste du marché", a complété Chloé Duvernet. "Ce sont les séries télévisées en vidéo qui ont été les plus impactées par l’essor des nouveaux modes de consommation en SVàD."

"Le support physique existera toujours, il n’y a pas de marchés qui disparaissent", a poursuivi Bruno Jan. Et le paneliste de rappeler les débats autour d’un nouvel accord sur la chronologie des médias, alertant sur un impact possible et immédiat d’une fenêtre vidéo éventuellement réduite. "Par contre, la vraie sanction pourrait venir d’une chronologie faite au détriment de la vidéo physique, et peser ainsi sur les éditeurs." Selon l’intervenant, les films de patrimoine représenterait jusqu’à 30% des ventes environ de la centaine d’établissements que compte la FNAC. "La vidéo physique représente chez nous 20 millions de codes-barres vendus par an, cela reste encore colossal. Les nouveaux clients, les jeunes, consomment certes différemment, mais ils y viennent quand même. A nous de les éduquer !"

Le curseur des échanges fut également placé sur le public consommateur, l’occasion pour les enseignes de rassurer face aux inquiétudes sa diminution tout en évoquant, donc, la problématique de son renouvellement. "Sur Amazon, nous identifions déjà une base de fans très développées", a témoigné Chloé Duvernet. "Après, les phases de recrutement d’une nouvelle clientèle sont plus périodiques, en s’appuyant sur des évènements du calendrier, comme les fêtes de Noël, où une mise en avant peut être plus pertinente." En cela, la plateforme peut s’appuyer sur ses fameux algorithmes de recommandation, plutôt efficaces sur la vidéo physique de patrimoine.

Un achat d'impulsion
'La vidéo physique, c’est un achat d’implusion dans plus de deux tiers des cas", a expliqué Sébastien Simonetta, dont la centrale fournit 500 hypermarchés, 200 Espaces Culturels et le site internet marchant de E.Leclerc. "Contrairement à ce que l’on pense, les clients ont envie et ouverts à d’autres formes de produits culturels", a avancé Bruno Jan. "On peut donc les monitorer sans mal vers des propositions différentes et plus patrimoniales."

La conférence permit aussi de préciser le phénomène des éditions collector, très prisées par les éditeurs vidéo, et de peser leur poids et leur attractivité réels sur le marché. "Ces éditions, et notamment accompagnées d’un livre, offrent une vraie valeur ajoutée en magasin, plus que les éventuels goodies de base. Nos responsables de rayons sont très demandeurs", a livré Sébastien Simonetta. "Au regard du profil particulier de nos clients en médiathèques, dont le but est de constituer une collection pérenne, ils ne réinvestiront pas dans un titre pour cause de réédition collector", a relativisé Pascal Brunier de l’Adav.

La question de la capacité des formats HD –blu-ray et blu-ray UHD – à supplanter définitivement les ventes en DVD, et de son intérêt pour les œuvres classiques a été abordée. La plupart des panelistes regrettant justement le manque de dynamisme autour de ce format chez les éditeurs, tout comme le manque d’enthousiasme chez les consommateurs. "Les clients commencent à regarder leur JT et les retansmissions sportives en 4K, mais continuent à acheter les titres de patrimoine en DVD, j’en suis stupéfait", a confié Sébastien Simonetta. "La masterisation en haute définition est fondamentale pour souligner la qualité du cinéma classique, et il est de notre devoir à tous de former de plus en plus le public. A notre niveau, nous devons expliquer en permanence les bénéfices du blu-ray au client."

Pousser le blu-ray
"Les médiathèques restent très attachées au DVD, même si nous essayons de pousser le blu-ray depuis des années", a enchaîné Pascal Brunier. "Sur un marché de 20M€, si nous dépassons 2% des ventes en blu-ray, c’est le bout du monde. Seulement, il n’y a pas de demande de la part du public. Pareil pour les réseaux scolaires." Et Chloé Duvernet de préciser : "Je comprends que pour un éditeur, combiner DVD et blu-ray peut être risqué. Mais il est important de renforcer le nombre de produits mixtes pour développer une offre qualitative HD pouvant pérenniser le marché du cinéma de patrimoine."

Enfin, parmi les différents échanges avec les accrédités dans la salle, l’un d’eux s’est penché sur la difficulté que rencontre les éditeurs les plus indépendants et autodistribués à placer leurs éditions dans les enseignes. Le tout, notamment, en évoquant un niveau de marge jugé élevé, pratiqué par ces dernières, comme rédhibitoire. "Nos mages restent accessibles pour tout le monde", s'est engagé Bruno Jan. "Par contre, il faut prendre conscience de s’autodistribuer n’est pas simple." "Car se pose la question du volume de commandes, qui implique toute une gestion administrative et logistique qui peut justement être un frein. Il est vraiment préférable de passer par un distributeur, car cela nécessite d’être carré", a complété Sébastien Simonetta.

Sylvain Devarieux
© crédit photo : Winchester 73 d'Anthony Mann - ©Sidonis/Calysta


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