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Cinéma

Congrès FNCF 2019 - Aurélie Delage et Jean-Philippe Hochwelker : "La fréquentation est le premier sujet de préoccupation de la moyenne exploitation"

Date de publication : 24/09/2019 - 08:20

Élus conjointement en juin dernier, les coprésidents de la commission de branche de la moyenne exploitation de la FNCF reviennent sur les dossiers phares pour leurs membres : la fréquentation, l'après-VPF et l'aide sélective en tête.

Vos candidatures respectives ayant obtenu le même nombre de voix, vous avez été élus, en juin, coprésidents de la commission de branche de la moyenne exploitation de la FNCF. Pour quelles raisons vous étiez-vous présentés ?
Aurélie Delage : Je suis très impliquée au sein du Syndicat de l’exploitation cinématographique du Sud-Ouest, et participe depuis quelques années à la commission de réflexion des jeunes exploitants ainsi qu’à la commission éducation à l’image de la FNCF. J’ai aussi eu la chance d’exercer un premier mandat en tant que membre de la commission de la branche de la moyenne exploitation, qui m’a donné envie de m’engager un peu plus au service de cette branche. Enfin, je gère depuis 2015 le Cinescop Mégarama, né de l’association entre un indépendant (Cinescop) et un groupe (Mégarama). Cette singularité me semblait être un atout pour me présenter et porter la voix de la branche.
Jean-Philippe Hochwelker : Impliqué pour ma part dans le Syndicat des directeurs de cinémas de Rhin et Moselle, j’ai un peu le même parcours qu’Aurélie, et une histoire familiale avec le cinéma. Un premier mandat à la commission m’a permis d’être mieux éclairé sur les problématiques rencontrées dans nos exploitations et l’importance des grands dossiers défendus par la Fédération pour pérenniser l’ensemble de la filière cinéma. Il est vrai que le contexte de notre élection est un peu particulier, puisque nous sommes arrivés à égalité à l’issue du vote. Mais, avec quelques mois de recul, cette coprésidence montre des atouts et des forces pour la moyenne exploitation. Nous sommes issus de territoires, de parcours et d’exploitations différents, mais partageons des positions communes sur les grands dossiers et avons établi une relation de confiance.

Quels sont, à votre sens, les principaux sujets de préoccupation de la branche aujourd’hui ?
A. D. et J-P. H. : En premier lieu, la fréquentation, en baisse depuis trois ans à l’exception de cet été, qui est en hausse. L’été 2019 a donc été bon – essentiellement grâce à un film –, mais comparativement à un été 2018 faible en raison de la Coupe du Monde de football masculine. Le contexte général demeure donc fragile. 2019 nous paraissait être une belle année sur le papier, mais le premier trimestre a été très difficile : fin mars, beaucoup de salles affichaient -15% ou -20% ! Notre deuxième sujet de préoccupation porte sur l’entretien, le renouvellement du matériel numérique et la fin des VPF – en incluant les coûts de maintenance relatifs à cette problématique. Aujourd’hui, nous avons le sentiment que le sujet n’avance pas très vite, alors que du côté de l’exploitation, il y a une réelle volonté, puisque le matériel continue de vieillir. Les coûts de remplacement et de réparation ont un très fort impact sur les bilans et la trésorerie de nos structures.

L’évolution récente de la fréquentation est-elle un facteur d’inquiétude ?
A. D. et J-P. H. : Il faut, à notre sens, mettre deux choses en parallèle. Tout d’abord, sommes-nous à périmètre constant ? La réponse est non, puisque de nouvelles salles se sont créées, entraînant une baisse plus forte. Ensuite, le coût de la vie augmente, mais pas nos prix – ou, en tout cas, dans une moindre mesure. Nous avons donc plus de charges, mais moins de recettes. Par ailleurs, les écarts sont très importants dans la moyenne exploitation, puisque nous représentons des établissements réalisant entre 80 000 et 450 000 entrées par an. Certains sont en difficulté, d’autres vont mieux. Plus largement, pour se maintenir et continuer à attirer les spectateurs, la filière a investi lourdement dans la rénovation de salles, le renouvellement du matériel… Ces gros investissements nécessitent une augmentation du chiffre d’affaires et, lorsque la fréquentation baisse deux années consécutives, cela nous inquiète, oui.

L’aide sélective a, ces derniers mois, été au centre de toutes les attentions, son budget ayant été "limité" à 7 M€ en 2018, contre près de 10 M€ l’année précédente, conduisant ainsi au report de plusieurs projets et suscitant, en conséquence, de vives inquiétudes chez nombre d’exploitants. Est-ce particulièrement le cas au sein de la branche ?
A. D. et J-P. H. : Plusieurs de nos membres sont directement concernés, d’autres ont fait remonter le problème à partir de leurs syndicats. Aujourd’hui, le budget de l’aide sélective est fixe, mais il y a toujours plus de projets. Unilatéralement, et pour coller à la politique gouvernementale, il a été décidé de privilégier les centres-villes, via l’action "Cœur de ville". Des projets de périphérie en ont donc fait les frais. La grande exploitation peut avoir les moyens financiers de porter des projets, mais, pour la petite et la moyenne, il s’agit d’un coup de pouce très précieux du CNC. La limitation du budget peut être comprise, mais entraîne des baisses drastiques et, potentiellement, une remise en cause de certains projets. Nous ne sommes par ailleurs pas tous égaux dans la moyenne exploitation…

Ce dossier est symptomatique d’une crispation des tensions entre l’exploitation et le CNC, notamment évoquée dans nos colonnes par le précédent président de la branche, Cédric Aubry. Dans ce contexte, comment accueillez-vous la nomination de Dominique Boutonnat à sa présidence ?
A. D. et J-P. H. : Nous voulons lui laisser la chance de nous entendre, sans entrer dans un bras de fer immédiat. La rencontre que nous avons eue avec lui et le bureau de la FNCF, début septembre, a été positive. Monsieur Boutonnat s’est montré très bienveillant et à l'écoute des attentes de notre profession.

L’an passé, Cédric Aubry avait manifesté à plusieurs reprises ses craintes relatives à la réforme art et essai. Quel regard portez-vous sur ce dossier, alors que celle-ci est désormais pleinement opérationnelle ?
A. D. et J-P. H. : Le sujet a été assez peu abordé lors de notre première réunion, mais sera approfondi lors de nos prochaines rencontres. Néanmoins, il nous paraît important de rappeler que l'ancienne présidente du CNC, Frédérique Bredin, s'était engagée à verser les subventions avant le Festival de Cannes. On parle là d'une subvention pour un travail réalisé l'année précédente ! Il est très important pour les exploitants, particulièrement de la moyenne, que la prime soit versée à ce moment-là de l'année, où la trésorerie est très tendue. La priorité est donc que le CNC respecte ses engagements dans le versement de cette prime. Nous constatons également que les exploitants ont joué le jeu de la réforme et ont fait preuve de souplesse vis-à-vis de l’administration. Ils ont attendu longtemps les promesses de mise à disposition des films recommandés, de saisie du questionnaire en ligne en amont et toutes les améliorations sont, au final, arrivées à la fin de la période de classement. En revanche, les commissions art et essai ont jugé à la lettre les dossiers, sans avoir la bienveillance de l’année inaugurale pour corriger les retards de mise en œuvre. Nous espérons que les commissions d’appel sauront reconnaître les cas limites et intègreront une prime à l’année 0.

"L’inflation du nombre de films nuit-elle à leur diffusion ?", s’interrogera cette année la FNCF dans le cadre de sa traditionnelle table ronde. Quelle est votre analyse sur ce phénomène, de plus en plus régulièrement pointé du doigt par l’exploitation ?
A. D. et J-P. H. : En dix ans, le nombre de sorties nationales a explosé, avec des dizaines de nouveautés chaque semaine. Dans le même temps, la fréquentation nationale s’est stabilisée autour de 200 millions de spectateurs. Cela signifie que nous réalisons le même nombre d’entrées chaque année, mais avec beaucoup plus de films. La diversité est importante, mais ne trouve pas forcément sa place auprès du spectateur. Par ailleurs, cet accroissement des sorties demande à chaque distributeur d’investir plus d’argent pour défendre ses films, pour les faire exister auprès du public. Du côté de l’exploitation, le nombre de séances demandées pour les sorties nationales est lui aussi en augmentation. Les entrées se font sur un nombre de plus en plus réduit de films et sur des périodes de plus en plus courtes, chaque nouveau titre poussant un autre vers la fin. Nous ne pouvons pas absorber la totalité des blockbusters sur quelques semaines de forte fréquentation et de vacances scolaires. Les porte-monnaie de nos spectateurs ne sont pas, non plus, indéfiniment extensibles. Et ces derniers se retrouvent souvent déboussolés par cette cadence de sorties !

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : Jean-Luc Mege


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