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Cinéma

Congrès FNCF 2023 – René Kraus : "La grande exploitation est toujours la branche la plus fragilisée" par le recul de la fréquentation

Date de publication : 19/09/2023 - 08:13

Le président de la commission de branche de la grande exploitation de la FNCF balaye les sujets chauds du secteur, des engagements de programmation aux conséquences de la grève à Hollywood en passant par le plafonnement du taux de location outre-mer ou encore la reprise de la fréquentation, selon lui moins forte au sein de la grande exploitation.

"Depuis la crise de la Covid, la grande exploitation est la branche la plus impactée" par la baisse de la fréquentation, nous aviez-vous indiqué l’an dernier. Qu’en est-il pour cette année 2023, en bien meilleure forme que la cuvée 2022, en particulier cet été ?
Il me semble tout à fait évident que nous pouvons atteindre cette année une fréquentation globale proche de 180 millions d’entrées. Il n’en demeure pas moins que la grande exploitation est toujours la branche la plus fragilisée, en raison d’un déficit d’entrées estimé à 17% par rapport à 2019. L’été a été très favorable grâce à deux blockbusters américains, Barbie et Oppenheimer, qui ont mobilisé le public en masse. Nous constatons ainsi qu’au-delà de la crise économique et de l’inflation, la qualité des films attire toujours le public. Cependant, si la grande exploitation vit une véritable embellie avec le retour des productions américaines, une augmentation réelle des charges salariales et énergétiques pèse toujours sur nous. De plus, il me semble important de rappeler que, dans un système totalement mutualisé, la grande exploitation est la plus grande pourvoyeuse de TSA – les résultats de cet été rejaillissent sur l’ensemble de l’exploitation et, bien sûr, de la filière cinématographique ! On peut en revanche s’interroger : n’y a-t-il pas une dilution des entrées due à des plans de sortie beaucoup trop larges, qui nous amènent à une moins bonne exposition des films sur la durée ?
 
"La baisse de la fréquentation est essentiellement due à un manque d'attractivité et de densité de films de qualité attirant le public. Il faut produire mieux pour que le public retrouve le chemin des salles", avait assené, lors du Forum de discussion du Congrès 2022 de la FNCF, votre rapporteuse, Laurence Meunier. Un an plus tard, la branche formule-t-elle toujours le même constat ?
Si la part de marché des films français demeure toujours très importante (en raison du retour progressif de l’offre américaine), nous constatons que la qualité de certaines comédies françaises n’est plus en phase avec les goûts et envies du public, tout comme bon nombre de films de la diversité d’ailleurs ! Évidemment, diminuer le nombre de productions n’est pas une solution. Les attaques sur le crédit d’impôt et les Soficas ne doivent pas être le cheval de Troie de la baisse de la production française. Le succès de la Palme d’Or, Anatomie d’une chute, en est une réelle démonstration.
 
La grande exploitation est très probablement la branche la plus dépendante de l’offre de films américains, en particulier à grand spectacle. A ce titre, que vous inspire la grève des scénaristes et des acteurs américains en cours à Hollywood, déjà à l’origine du report de plusieurs blockbusters ?
L’embellie que j’évoquais précédemment peut-être lourdement impactée par la grève hollywoodienne si celle-ci dure jusqu’en janvier 2024. La problématique des festivals d’automne et le décalage des grosses productions américaines telles que Dune : deuxième partie nous font ressentir une terrible inquiétude. Les questions soulevées par les acteurs et les scénaristes américains, notamment sur le streaming et l’intelligence artificielle, seront vitales pour l’avenir du cinéma mondial. Dans cette grève et son dénouement résident les ferments de l’avenir.
 
La problématique énergétique avait suscité l’inquiétude de nombre de vos membres lors du dernier Congrès. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
Même si cette problématique est toujours d’actualité, la puissance de négociation des circuits et de la grande exploitation indépendante nous a permis de trouver une stabilité acceptable. Nous savons cependant qu’un travail supplémentaire sur le développement durable (projecteurs laser et écrans lumineux) et le décret tertiaire est incontournable.
 
Bruno Lasserre a publié, en avril dernier, un rapport délivrant 13 propositions autour des engagements de programmation et de diffusion, de l’art et essai ou encore des cartes illimitées. Quelle est la position de la branche sur celles-ci ?
Alors que notre secteur est en pleine convalescence, nous nous retrouvons une fois de plus sous les feux de la rampe. Les rapports sortis au printemps nous amènent à hiérarchiser les problèmes. Ainsi, je note premièrement de nombreuses contradictions entre leurs différentes propositions, pour ne pas dire parfois inepties (plafond tarifaire et contrôle de la confiserie). Ceci étant, les engagements de programmation sont une question primordiale à aborder, et surtout à régler. Certains circuits (MK2 et Kinepolis) ont été contraints d’accepter les prescriptions du CNC, d’autres attendent toujours une réponse à leur proposition. Après la lecture de ce rapport, il semble que la volonté intrinsèque soit d’imposer et de renforcer les engagements de programmation de l’exploitation, et in fine de pouvoir la pénaliser en cas de non-respect des directives. Il ne faudrait pas qu’elles se transforment en obligations. Ainsi la volonté d’élargir la multidiffusion a été écartée très rapidement, sans aucune concertation. Quant à la réforme de l’art et essai, le principe de l’enveloppe fermée ne doit pas exclure des salles qui ne consacreraient que 25% de leurs séances à ce type de programmation. La question des cartes illimitées est quant à elle essentiellement liée à une poignée de groupes (UGC, Pathé, Megarama et adhérents) et n’est, à ce jour, pas encore définie, car le tarif de référence doit être choisi selon deux méthodes préconisées.
 
Dans les départements et régions d’outre-mer, plusieurs de vos membres (regroupés au sein du Secom) s’opposent aux distributeurs autour du plafonnement du taux de location dans leurs territoires, pour lequel deux projets de loi ont été déposés. Quel regard portez-vous sur ce dossier ?
La situation de l’outre-mer est très particulière car les coûts d’investissements sont exorbitants du fait de sa position géographique. Si cette question perdure depuis de nombreuses années au-delà des aides perçues par l’exploitation locale (fonds Feder, crédit d’impôt sur les investissements), c’est parce que la rentabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Le maintien de taux de TVA et de location bas semble être nécessaire à la préservation de l’offre cinématographique. Une première étape sénatoriale a pu conforter les exploitants, nous attendons désormais la confirmation de l’Assemblée Nationale.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR


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