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Cinéma

Lumière MIFC 2018 - Mariya Gabriel (commissaire européenne) : "Le répertoire des films européens vise à accroître leur présence en ligne"

Date de publication : 18/10/2018 - 08:40

À l'occasion de sa première venue, ce 18 octobre, au Festival Lumière, qu'elle a choisi pour dévoiler le prototype du répertoire de films européens aux professionels concernés, la commissaire européenne à l'Économie et à la Société numériques évoque, dans un entretien qu'elle nous a accordé, ce projet mais aussi le soutien à l'éducation cinématographique des jeunes européens, la directive droit d'auteur et le programme Women in Digital. 

La Commission européenne organise pour la première fois son forum du film européen au MIFC à Lyon, que vous ouvrez le 16 octobre. Pourquoi avez-vous choisi de consacrer la grande conférence aux "outils de formation des spectateurs de demain" à l’échelle européenne ?
Mariya Gabriel : C'est avec Europe Créative que la Commission a introduit pour la première fois dans ses programmes le soutien à l’éducation cinématographique de jeunes européens, avec un objectif clair, consolider le développement de l'audience dans le long terme. Je suis convaincue qu'accroître la connaissance de la richesse du patrimoine cinématographique européen, en particulier lorsqu'il s'agit du jeune public, est de nature à stimuler la curiosité des audiences. C'est tout simplement le moyen de permettre aux citoyens de choisir leurs contenus audiovisuels parmi l'offre la plus large possible et en pleine conscience.
Depuis 2014, nous avons financé plusieurs projets d'éducation au film à l'échelle européenne et, avec l'appel à proposition de cette année, nous avons l'ambition de poser la première pierre d'une politique d'éducation au cinéma véritablement européenne. Il s'agit de financer un vaste projet afin de créer un catalogue de grands films classiques européens triés sur le volet et de le mettre à disposition gratuitement dans toutes les écoles secondaires en Europe. Enfin, nos actions de soutien aux développements d'audience seront encore intensifiées, dans le cadre du prochain programme MEDIA (2021-2027). Un grand film sans public est un énorme gâchis. Wim Wenders soutient que "le goût peut être enseigné". Pour ma part, je me considèrerai très satisfaite de réveiller la curiosité des jeunes pour les œuvres européennes. C'est en cela qu'on peut dire que les films d'hier sont essentiels en vue de construire le futur du cinéma européen.

2018 est l’année européenne du patrimoine culturel. Et vous avez initié le projet de créer une plateforme de référencement des films européens. Vous présentez à Lyon le prototype de ce répertoire. En quoi consiste-t-il ?
M. G. : Ce répertoire, à l'image de mon action dans le cadre de la révision de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), marquée par l'adoption du quota de 30% d'œuvres européennes, vise à accroître et améliorer la présence des films européens en ligne. Ces derniers ne représenteraient en effet aujourd'hui que 25% environ des films offerts par les services VàD dans l'Union européenne. Pour parvenir à cet objectif, encore faut-il assurer une plus grande transparence sur le marché de la distribution en ligne des œuvres audiovisuelles, lequel, pour le moment, se caractérise par son opacité. J'ai la conviction que c'est la transparence qui permettra aux acteurs de prendre les décisions et mesures de nature à mettre le mieux en valeur l'offre de films européens dans les services en ligne.
Dans cette perspective, le répertoire a pour objectif de permettre aux professionnels, autorités publiques et citoyens d'avoir accès à des informations mises à jour sur les films européens et leur disponibilité en ligne dans les services de VàD offerts dans les pays de l'UE. Le dispositif est soutenu par le programme Europe Créative MEDIA. Les professionnels en feront un usage plus spécifique : les auteurs et producteurs sauront dans quels pays et sur quels services leurs films sont disponibles ; les distributeurs qui souhaiteraient mieux exploiter leurs films européens pourront identifier les plateformes offrant des œuvres similaires et donc susceptibles d'accueillir les leurs ; les services de VàD pourront identifier les films européens en ligne sur d'autres territoires qui sont susceptibles d'intéresser leurs audiences.
Les autorités publiques tireront, elles aussi, profit du répertoire : il leur permettra d'apprécier la qualité de l'offre légale des films européens dans l'univers numérique. Plus particulièrement, les fonds de soutien et agences de promotion sauront si les films qu'ils soutiennent sont effectivement disponibles et donc s'exportent dans les autres États membres.
Enfin, à l'avenir, lorsque le répertoire sera élargi aux œuvres audiovisuelles, il pourra servir d'appui aux autorités de régulation dans leur contrôle des obligations de quota et de proéminence des œuvres européennes imposées par la directive SMA aux opérateurs de services de VàD dans l'UE.

Vous évoquez le quota de 30% d’œuvres européennes issu de la directive SMA. Quel rôle peut jouer le répertoire concrètement ?
M. G. : Le répertoire a le potentiel d'aider les services de VàD à établir l'origine des films déjà présents dans leurs catalogues, ainsi que de les aider à acquérir des films d'origine européenne certifiée pour se conformer aux nouvelles exigences de la directive SMA. Dans le même temps, les plateformes pourraient vérifier dans le répertoire la disponibilité de certaines œuvres avant de prendre leur décision d’acquérir de nouveaux titres originaux, moins présents dans les catalogues de leurs concurrents. Mes services, qui travaillent en étroit contact avec les autorités nationales et les parties prenantes, auront ces éléments à l'esprit lors de la préparation des lignes directrices de mise en œuvre de la directive SMA.

Sachant que vous êtes dans les derniers mois du mandat de l’actuelle Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, quelle est la suite du calendrier pour la mise en œuvre de ce répertoire ?

M. G. : Tout d’abord, je souhaite préciser que cette priorité donnée à l’établissement du répertoire est devenue une action de la Commission européenne au cœur de la stratégie Digital4culture, qui a fait l’objet d’une adoption au collège. Ensuite, nous avons inscrit ce répertoire au cœur du partenariat qui lie la Commission avec l’Observatoire européen de l'audiovisuel. Nous travaillons notamment à assurer un financement des activités relatives à l’Observatoire au-delà de 2018, de manière à donner une perspective de long terme à ce projet. Enfin, nous avons tissé des liens étroits avec les principaux interlocuteurs du secteur, ce qui sera essentiel pour assurer un flux de données en temps réel. Avec tous ces atouts, le répertoire, une fois déployé en 2019, pourra être mis à jour régulièrement et sa base de données étoffée en fonction des besoins de professionnels.

Le projet de réforme de la directive droit d’auteur a enfin été adopté par le Parlement européen le 12 septembre, suite à un combat sans précédent entre les partisans d’un encadrement plus fort des plateformes, au service du partage de la valeur des producteurs de contenus notamment, et les partisans de la liberté, soutenus par les acteurs mondialisés. Comment abordez-vous cette phase finale du trilogue entre les institutions (Commission, Conseil et Parlement européen) ? 
M. G. : La proposition de directive sur le droit d'auteur est un élément clé pour la réalisation du marché unique numérique. Les récentes discussions au Parlement ont montré l'importance que les citoyens européens, les créateurs, les industries culturelles et les acteurs du numérique attachent à ce texte. Un des objectifs de la réforme proposée est notamment le renforcement de la position des créateurs et des industries créatives dans l'économie numérique, tout en offrant des garanties solides pour protéger les droits des utilisateurs individuels. Cet objectif est clairement partagé par les trois institutions, même si les solutions proposées diffèrent, notamment en ce qui concerne la responsabilité des plateformes au regard des règles du droit d'auteur. Après l'adoption par le Conseil et le Parlement de leur mandat respectif, nous avons entamé les discussions en trilogue la semaine dernière. Nos échanges ont été très constructifs. Les trois institutions considèrent ce dossier comme prioritaire et sont donc déterminées à réaliser des progrès rapides. Dans ce contexte, il me semble que nous pourrons trouver des solutions satisfaisantes et équilibrées, qui tiennent compte de l'ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur.

Autre sujet, vous vous êtes impliquée sur le sujet d’une meilleure inclusion des femmes dans les filières que votre portefeuille couvre, via l’initiative Women in Digital. Où en est-elle ? Et comment réagissez-vous aux mesures annoncées en France, et notamment pour le financement des films, d'un bonus pour ceux fabriqués avec un nombre paritaire de femmes dans plusieurs postes de directions ?
M. G. : J'ai lancé, le 8 mars, la stratégie Women in Digital. Le point de départ est simple : il s'agit du constat selon lequel le secteur du digital présente un déséquilibre marquant. Cette situation est d'autant plus inacceptable que ce manque de diversité dans un secteur aussi stratégique et dynamique nous empêche d'en tirer tout son potentiel pour notre économie et notre société. Avec l'objectif affiché de contrecarrer ce déséquilibre préjudiciable, ma stratégie s'articule autour de trois piliers : mettre un terme aux stéréotypes, favoriser l'accès des filles aux études scientifiques et technologiques et, enfin, soutenir l'entreprenariat des femmes dans le secteur. L'audiovisuel occupe une place spécial dans mon portefeuille, parce que je suis à la fois en charge des règles qui président à cette chaîne de valeur et du soutien opérationnel au secteur en vue de son adaptation à la révolution digitale via le programme MEDIA. J'ai l'intention d'employer ces leviers pour favoriser le changement en faveur de davantage d'égalité dans l'audiovisuel, avec l'ambition d'entraîner un cercle vertueux dans tout le domaine du digital. Dans ces conditions, je suis favorable à toutes les mesures de nature à catalyser le changement dans le domaine, comme les mesures françaises que vous citez. Je me permets toutefois de réaffirmer que les inégalités hommes-femmes ont des causes complexes. Les corriger requiert, dès lors, une modification en profondeur de notre société, reposant tant sur des mesures immédiates qu'à moyen terme.

Propos recueillis par Sarah Drouhaud
© crédit photo : Commission européenne


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