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Cinéma

Congrès FNCF 2019 - Quelles réponses apporter à l’inflation de l’offre de films en salle ?

Date de publication : 26/09/2019 - 08:25

"L'inflation de l'offre de films nuit-elle à leur diffusion ?" Après une remise en perspective chiffrée du CNC, des exploitants, des distributeurs et des producteurs ont échangé sur ce sujet sans être en mesure d'apporter des pistes nouvelles pour faire face à la hausse des sorties en salle. 

En introduction, Benoît Danard, directeur des études, de la statistique et de la prospective du CNC, est venu mettre en perspective l’augmentation de l’offre de films en salle avec des chiffres. Sur la période 2009-2018, le nombre d'inédits a cru de 16%, mais a diminué toutefois sur les dernières années. Il est passé de 588 titres en 2009 à 716 en 2016, avant de décroître à 684 en 2018. Cette hausse est d’ailleurs un phénomène mondial, la France étant, sur les pays observés, où cela a le moins augmenté.

Sur les 96 œuvres inédites en plus comparé à il y a dix ans, 70% de l’augmentation résulte des films étrangers non américains ou des films français non agréés. De plus, les chiffres montrent une baisse du nombre de comédies dramatiques et de comédies, une forte progression des drames et des documentaires, les drames représentant 40% de l’augmentation du nombre de films et les documentaires 29%.

Il ressort de l’évolution selon les entrées une hausse du nombre de films à moins de 50 000 entrées. En outre, les longs métrages ayant réalisé moins de 20 000 billets représentent 43% de l’augmentation de nombre de films, et ceux ayant réalisé entre 20 000 et 50 000 tickets en représentent 33%.
Le nombre de titres en augmentation selon leur combinaison de sorties sur dix ans concerne les plus petites combinaisons de sorties. Et les œuvres sorties dans moins de 80 établissements en première semaine représentent 53% de l’augmentation du nombre de films sur la période.
Il y a eu sur la période une forte augmentation de combinaisons de sorties des films américains et européens. Les longs métrages américains bénéficiant de combinaisons deux fois plus importantes que celles des français.
Sur la même période, il y eu une amélioration de l’exposition des films européens et français inédits. Le nombre de séances a globalement progressé de 25% (+1,7 million de séances), 45% de ses séances supplémentaires ayant bénéficié à des films français agréés.

L’analyse de la saisonnalité des sorties fait ressortir de fortes variations, avec une progression en janvier, mars, mai, octobre et novembre, et une stabilité de l’offre de juin à septembre. Enfin, Benoît Danard a terminé son analyse sur l’évolution de l’occupation des écrans. Il en ressort notamment qu’en 2009, les films inédits occupaient en moyenne chaque semaine 29% des écrans, contre 32 % en 2018. En 2018, les films inédits occupaient plus de 40% des écrans pendant 11 semaines, contre 6 semaines en 2009.

Impossible de déterminer quelles œuvres seraient de trop dans les salles

Comment répondre à cette offre de films, sujet de tensions entre exploitants, distributeurs et exploitants ? Le matin, lors du débat avec les pouvoirs publics, le président du CNC, Dominique Boutonnat, avait indiqué en réponse à une question sur le nombre de titres en salle, qu’une "politique volontairement malthusienne serait contraire à la liberté de création que l’on défend", le CNC comptant plutôt travailler sur la qualité de l’offre en renforçant les moyens dédiés à la phase d’écriture. Des annonces sont attendues en janvier.

Les intervenants de la table ronde, modérée par Pascal Rogard (SACD), ont dialogué sur ce sujet, qui n’est pas nouveau comme l’a rappelé Victor Hadida (Metropolitan, président de la Fnef), sauf que la tension est devenue plus forte quand "en 20 ans on est passé de 350 à 700 films". "Le métier distributeur/éditeur est de défendre le titre qu'il propose à l’exploitant. On demande à un agent économique de se restreindre. Mais l’augmentation du nombre d'œuvres a aussi permis que le marché passe la barre des 200 millions d’entrées", a-t-il rappelé. "Jusqu’à présent le nombre de longs métrages était régulé par les exploitants, par le choix de la programmation. C’était le seul élément de régulation de la production. On est dans l’impossibilité de dire tel film ne peut pas sortir." Alors que l’intensité de la pression sur l’exploitation n’a jamais été aussi forte, il a mis en avant trois éléments à ne pas négliger : "L’activité de diffusion des films est soumise au droit de la concurrence. Les essais d’un calendrier commun ont été balayés. Et les calendriers de sorties sont disponibles (dans la presse)." 

Impossible de dire quelles œuvres seraient en trop dans les salles pour la productrice Marie Masmonteil (Elzévir Films, présidente du SPI) : "Y-a-t-il trop de titres, d’auteurs, de premiers films, de documentaires, de films de superhéros, de comédies, de films de genre, ou pas assez de longs comme Roma diffusé sur Netflix qui sortent en salle ?", a-t-elle énuméré, assumant avec ses camarades producteurs la responsabilité de produire ou coproduire beaucoup de films par conviction. "Et beaucoup de premiers films" qui sont reconnus dans les plus grands festivals. "Je me sens pas responsable." Si "cette abondance est quand même extraordinaire", elle s’est interrogée si une œuvre comme Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu, qu’elle a produit, pourrait encore rester 25 semaines à l'UGC Normandie comme en 2005.

L’exploitante Marie-Christine Desandré (présidente de Cineo) n’a pas voulu se prononcer sur le fait qu’il y ait ou non trop d’œuvres. Mais elle a témoigné du changement dans la manière de les programmer. "Je considère que tout type de création doit avoir sa place sur les écrans. Après, il faut raisonner dans des justes proportions et admettre que certains répondent mieux à ce que peut attendre le public en salle. On a parfois des demandes d’exposition qui ne sont pas justifiées. On nous demande un nombre de séances alors qu’on sait bien que ça ne répond pas à la demande du public."
Elle s’est interrogée si l'on ne pouvait imaginer un mode de régulation plus "doux", pour éviter d’avoir l’impression "de sacrifier un film car on n’a pas d’autres solutions". À ceux qui rétorquent aux exploitants qu’ils doivent faire des choix, elle n’a pas caché qu’il devenait de plus en plus difficile d’en faire, d'avoir même le temps de voir les titres en avance pour établir sa programmation. Elle a aussi noté que le public est, lui, de plus en plus "avisé, exigeant et a besoin de ressortir d’une séance avec quelque chose de plus".

Sa consœur Christine Beauchemin-Flot (Le Select à Antony) s’est dite fière de la richesse de la production qu’elle essaie de refléter dans ses quatre salles en pratiquant la multiprogrammation, avec souvent une dizaine de films à l’affiche. "Cette richesse reflète aussi ce que j’ai plaisir à découvrir." Selon elle, la question du choix est à remettre au cœur du métier d’exploitant. "Mais pour cela il faudrait que le distributeur nous fasse confiance."

Pour le distributeur Étienne Ollagnier (Jour2Fête, coprésident du SDI), "un cinéma qui va bien est un cinéma qui produit". Il a témoigné de son expérience sur distributeur plus petit, avec des films qui ont fait moins de 50 000 entrées mais qui se sont avérés très rentables. Sur ce type d'œuvres, la multiprogrammation peut aussi être "vertueuse" quand elle est souvent critiquée par les autres. Il a suggéré qu’exploitants et distributeurs se mettent autour de la table pour trouver des recettes, en sortant des problématiques du lundi matin.

Marie-Christine Désandré s’est justement dite ouverte à rencontrer les distributeurs et les producteurs. "Nous considérons que notre métier est très mal connu. On a trop souvent le sentiment d’être perçus comme des vendeurs de petits pois. Gérer une salle, accueillir un public, le conseiller, organiser des débats, ça ne se résume pas à compter le nombre de places vendus. Notre métier est méconnu, or nous sommes au contact du public, on peut amener des indications sur la manière dont il réagit le public."

La patronne de Gaumont, productrice et distributrice (et présidente de l’API), Sidonie Dumas, a souligné la difficulté de rationaliser la question du nombre de films dans une industrie de prototypes. "On ne fabrique que des œuvres différentes, le choix des dates est un casse-tête aujourd’hui. On essaie de sortir des films en été – comme La vie scolaire –, de trouver des solutions à mille situations différentes." Elle a plaidé pour pouvoir conserver cette liberté en salle, "un des seuls endroits" où il y a encore la possibilité d’offrir "cet éclectisme".

C’est aussi le cas dans les librairies. Parmi d'autres intervenants, un représentant du syndicat des libraires, Laurent Layet (librairie Le Brouillon de Culture), a expliqué qu’il partageait la problématique de l’inflation des nouveautés avec le cinéma. Les libraires, s’ils signent des contrats avec des diffuseurs qui rassemblent plusieurs éditeurs, reçoivent eux toutes les nouveautés dans les domaines qu’ils ont contractualisés. Ils ont dû faire face ces dernières années à la baisse des tirages importants au profit d’un nombre plus important de différents produits. Le tout ayant pour conséquence un encombrement des lieux de stockage, un poids sur la trésorerie et un temps de lecture accru à consacrer pour connaître les ouvrages. Les libraires partagent aussi la "même logique de sacrifice", avec la pratique des retours de livres ouverts qui ont pour conséquences des volumes importants reçus et des frais de ports en augmentation… Et, comme pour le cinéma, aucune solution pour faire face à cette abondance n’a été trouvée à ce stade.

Sarah Drouhaud
© crédit photo : SD


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