Cinéma

Annecy 2025 : Deux trajectoires contraires dans l’animation

Date de publication : 12/06/2025 - 07:47

Si le bilan annuel du CNC met en exergue un net recul de l’activité prestation, observée par l’ensemble de la filière, il rend compte d’une situation solide pour la création originale en 2024.

Côté production audiovisuelle, le CNC observe deux tendances pour l’animation entre dynamisme important pour la création originale et recul de la prestation.

Le rebond de la production aidée observée en 2023 se confirme en 2024. 316 heures d’animations ont été aidées en 2024 (+13,7% vs 2023), un niveau similaire à la moyenne décennale. Le devis cumulé de ces œuvres s’établit à 294 M€, soit le deuxième plus haut niveau historique après 2021. Le coût horaire moyen atteint lui un niveau record de 931,6 K€.

Concernant les financements, les apports étrangers continuent d’être indispensables représentant 25,5% des devis pour une œuvre animée contre 9,3% en moyenne pour une œuvre audiovisuelle tous genres confondus.  83,8% des heures d’animation aidées ont été financées par a minima un partenaire étranger en 2024 (contre 61,4% en fiction). Cette importance de l’international n’implique pas une délocalisation accrue, au contraire. 82,1% des dépenses de production d’animation ont été réalisées en France. Un chiffre mettant fin à la tendance baissière constatée depuis 2018.

Le financement par le CNC occupe également une place plus importante en animation (15,6% d’un devis moyen contre 11,8% tous genres confondus) A contrario, l’apport des diffuseurs (21,9%) est deux fois moins importante.

France Télévisions reste le premier commanditaire d’œuvres audiovisuelles animées avec 25,6 M€ d’investissement. Un chiffre légèrement supérieur à la moyenne décennale. Canal+ suit loin derrière avec 10,1 M€ d’investissements (+65,9% par rapport à 2023) et TF1 (9 M€, +13,3%).

Côté plateformes VàDA, le CNC commence à observer des investissements encore timides dans la production originale. 2,2 M€ ont ainsi été investis dans 3 projets : deux œuvres Miraculous pour Disney+ et Ghost Force pour Netflix. Ces trois œuvres sont toutes cofinancées avec TF1.

Les prestations dans le rouge

Côté verre à moitié vide, la baisse de l’activité de prestation est notable. 41 œuvres d’animation ont bénéficié du crédit d’impôt international en 2024, contre 55 en 2023. Les dépenses s’établissent à 166,6 M€ soit un recul de 14,3%.

Une baisse qui devrait s’amplifier dans les années à venir. 15 projets d’animation ont été agréés au C2I en 2024 contre 25 en 2023. Ce repli s’explique principalement par la dépendance au marché américain qui a subi un ralentissement puis une contraction de son activité. Deux tiers des projets avec des dépenses en 2024 venaient des Etats-Unis. L’Europe de l’Ouest tourne également au ralenti avec moins de commandes des acteurs linéaires. Seule l’Asie-Pacifique n’est pas touchée pas cette crise. La baisse des commandes des plateformes se poursuit sur les 12 derniers mois (-7% contre -36% en 2023).

Dans ce marché à forte concurrence internationale, la France se maintient en 4e rang mondial de commanditaire de séries d’animation loin derrière le Japon (311 programmes), les Etats-Unis (124), et en concurrence frontale avec le Canada (40) et la Corée du Sud (33).

Production cinéma : une dynamique encourageante

Depuis 2019, le cap des 10 films d’animation agréés est systématiquement franchi. 2024 n’échappe pas à la règle avec 13 longs métrages dont 9 FIF. Si ce chiffre est en retrait par rapport à 2023, il faut rappeler que l’année dernière était une année historique avec 18 Films agréés dont 12 FIF.

En 2024, le CNC relève à nouveau une très grande diversité d’œuvres, de publics visés, de techniques d’animation et de devis parmi les films agréés.

L’animation continue d’être un genre coûteux avec un devis moyen de 11,7 M€ sur la période 2015-2024 contre 4,93 M€ pour la fiction. On retrouve certaines caractéristiques communes avec l’audiovisuel avec notamment les apports étrangers, première source de financement, et un apport moindre des diffuseurs. Les plateformes se sont engagées sur deux films cette année : Arco pour Netflix et In Waves pour Prime Video.

Les films d'animation agréés en 2024 :

Titre

Production

DEVIS

Astérix et le royaume de Nubie

M6 Studio

32,94

High in the clouds

Gaumont

27,44

Urban jungle

PM-SA

20,59

Yugly

Octopolis

16,57

Légendaires (Les)

Pan Animation / Pan Cinéma

14,89

Arco

Remembers / MountainA

9,64

In waves

Silex Films

9,00

Sidi Kaba et la porte du retour

Special Touch Studios

8,73

Corset (Le)

Eddy Cinéma

6,33

Olivia et le tremblement de terre invisible

Les Productions Vivement Lundi

4,67

Fleak

Godo Films

4,57

Blaise

KG Productions

1,93

Frida, c'est moi

Haut et Court Distribution

1,28

 

Diffusion des œuvres :

  • Dans les salles
60 films d’animation sont sortis en première exclusivité dans les salles françaises en 2024, un record. On notera un nombre record d’œuvres japonaise (18), un nombre de titres américains similaire à la période prépandémique (10) et un nombre toujours important de films français (13).

Ces films inédits ont généré 30,2 millions d’entrées, une fréquentation supérieure à la période précovid (+1,1% vs moyenne 20217-2019). Le film d’animation représente 19,4% des entrées des films inédits en 2024, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré. Les recettes s’établissent à 217,7 M€, là aussi un record.

Cette fréquentation est marquée par une forte domination américaine (82,1% des entrées en 2024) et plus spécifiquement de Disney (49,6% des entrées avec Vice-Versa 2 et Vaiana 2). Flow est le premier succès français avec 520 000 entrées.

  • A la télévision
En incluant France 4, non comptabilisée par Mediamétrie en 2024, 15 194 heures d’animation ont été diffusées à la télévision en 2024. Le CNC observe une offre étoffée sur les chaînes TNT - TNT HD s’expliquant principalement par le transfert de la case TFou sur TFX.

L’animation française demeure la plus représentée à l’écran avec 6 536 heures.

La tendance baissière des nouveautés sur les chaînes nationales se confirme. Hors France 4, sept nouvelles séries sont apparues en 2024, le plus bas niveau des cinq dernières années. France 4 fait toujours preuve d’un dynamisme important avec 8 nouvelles séries françaises.

En matière d’audience, l’animation représente 20,9% de la consommation TV des 4-10 ans (1,5% pour les 4 ans et plus). Gulli demeure le leader incontesté avec 65,4% de la consommation d’animation pour cette tranche d’âge. A noter également la montée en puissance de TFX (8,6%).

La moitié des programmes regardés sont des œuvres françaises (50,1% soit 4,2 points de plus vs 2023). Une part qui serait bien plus importante en intégrant France 4.

  • Sur les plateformes
Le CNC continue de relever un déplacement de la consommation vers les services de Bvod et de VàDA. Sur cinq ans, la durée d’écoute de l’animation a été divisée par deux sur les chaînes nationales et 56% des enfants de 3-14 ans regardent des dessins animés en BVoD chaque mois. France TV revendique 560 millions de vidéos vues en 2024 sur Okoo.

L’offre d’animation est toujours plus conséquente sur les plateformes avec 124 163 épisodes disponibles fin 2024 contre 90 000 en 2023. Un bon qui s’explique, outre une augmentation constante de l’offre, par l’intégration de Crunchyroll qui avec 29 500 épisodes est largement leader devant Prime Video (18 950) et Netflix (17 515). L’animation française reste peu représentée dans ces catalogues (14,6% de l’offre). YouTube apparaît aussi comme un acteur incontournable. En avril 2025, près de la moitié des 3-12 ans ont regardé un programme sur la plateforme.

  • Dans les salles à l’étranger
L’animation française demeure un genre aux résultats fluctuants dans les salles internationales. 6,3 millions d’entrées ont été enregistrées en 2023 (-46,4% vs 2023 qui avait bénéficié de Miraculous et de Pattie et la colère de Poséidon ; -22,5% par rapport à la moyenne décennale).

L’export

Après des années fastes entre 2016 et 2020, le CNC constate une tendance baissière des ventes de programmes audiovisuels d’animation. Un chiffre d’affaires de 51,2 M€ a été généré en 2024, le plus bas niveau depuis 2015. Là aussi, les fluctuations du marché américain et la prudence des plateformes impactent sensiblement ces exports.

Emploi : la contraction du marché se confirme

Malgré des fondements solides (formation d’excellence, talents reconnues, engagement des pouvoirs publics à travers notamment France 2030), la croissance continue depuis 2010 du nombre d’entreprises et de leur envergure enregistre un coup d’arrêt en 2024. 192 structures sont répertoriées par Audiens contre 202 en 2023.

Déjà perceptible en 2023, le recul de l’emploi et de la masse salariale se confirment en 2024 avec une chute de 10,5% des effectifs et de 14,4% de la masse salariale. Cette contraction affecte en premier lieu l’emploi intermittent et notamment les primo-entrants.

Concernant la féminisation de la filière, elle progresse. Les femmes constituent 43,8% des effectifs en 2023, 12 points de plus qu’en 2014. La parité est atteinte pour la deuxième fois consécutive chez les primo-entrants. Un long chemin reste encore à parcourir puisqu’Audiens recense seulement 35,3% de femmes parmi les chefs de poste.


IA : Des progrès encore nécessaires


Cette année encore, l’Observatoire de l’IA a interrogé 70 studios numériques dont 34 d’animation sur l’usage de l’IA au sein de leur métier. 61,8% des studios d’animation indiquent avoir eu recours à des outils d’IA, un niveau d’utilisation moindre qu’en postproduction et les VFX. Les usages restent les mêmes : tester de nouvelles idées, upscaling et décliner plusieurs versions d’une image.

Le taux de satisfaction de ces outils est très fiable. 47,7% des studios d’animation se disent satisfaits contre 75,1% pour les VFX. La qualité insuffisante des résultats et la présence de biais, notamment culturels sont critiqués.

Florian Krieg
© crédit photo : CNC


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