Télévision

Annecy 2020 online - AnimFrance (ex-SPFA) sur tous les fronts de la crise post-Covid

Date de publication : 18/06/2020 - 18:40

Audiovisuel/ Cinéma - L'ex syndicat des producteurs de film d'animation, désormais dénommé AnimFrance, a profité de sa conférence annuelle tenue dans le cadre du MIFA pour balayer ses nombreux chantiers en cours. Avec deux majeurs, la transposition de la directive SMA, et le maintien ou non de France 4. 

Si pendant le confinement, à l’exception de l’animation 3D et la stop motion, les studios d’animation ont pu poursuivre leurs productions, pour autant dans la période post Covid qui s’ouvre, AnimFrance perçoit évidemment les impacts de la crise économique qui suit la crise sanitaire avec les effets connus. Le marché international est à l’arrêt sur le préfinancement, avec des projets reportés, ce qui va fortement impacter sur le volume de production l’année prochaine. Sans compter en aval une exploitation des séries et des films terminés qui va être plus difficile à l’international et en France. Dans l’Hexagone la chute des recettes publicitaires des diffuseurs va se répercuter sur leurs investissements en 2021, a résumé Philippe Alessandri (Watch next media), président d'AnimFrance, en introduction de la conférence de presse.
Dans ce contexte, "l’annonce du Premier ministre sur le crédit d’impôt en faveur des chaînes qui investissent dans la création est une bonne nouvelle que nous saluons" a-t-il souligné.
"La crise va repositionner complètement le paysage, en accélérant la dynamique des mutations déjà à l’œuvre dans le secteur audiovisuel. Les chaînes linéaires souffrent de la crise économique tandis que les plateformes ont élargi leur base d’abonnés". Mais l’animation est un des programmes stratégiques pour les plateformes "car elle leur permet la rétention des abonnés"."J’espère que l’arrivée de ces plateformes en France à travers une directive SMA, nous l’espérons tous, qui sera correctement transposée, va permettre à l’animation française de crever ce plafond de verre des 300h annuelles (produites en audiovisuel) depuis plus de dix ans".
Si les plateformes créent des opportunités, aussi pour le cinéma d’animation qui souffre d’un déficit structurel de financement en France et pour l’animation adulte, "néanmoins elles représentent une menace pour nos partenaires traditionnels. Mais nous comptons sur leur capacité à réadapter leur modèle et ils nous le prouvent jour après jour qu’ils sont capables de le faire" a poursuivi Philippe Alessandri.
"Avec le rachat de Gulli, le groupe Bertelsmann a une position unique en Europe", présent en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en France (M6 et Gulli), et peut ainsi déployer des investissements conséquents au niveau européens. Et avec 7M€ d’investissements annuels en augmentation en 2019 le groupe Canal+ témoigne de l’importance des programmes jeunesse pour développer une plateforme non linéaire. Enfin, avec Salto, et Okoo, France Télévisions, TF1 et M6 montrent qu’ils sont tous les trois en marche vers une mutation appelée par la modification des modes de consommation, pour autant qu’ils conservent une antenne linéaire qui apporte encore beaucoup de puissance"  a conclu Philippe Alessandri en introduction de cette dense conférence de presse.

Après avoir présenté son nouveau nom et sa nouvelle identité visuelle, AnimFrance a détaillé l'ensemble de ses chantiers.

Engagement sur des sujets sociétaux

Le syndicat a d’abord évoqué son engagement sur des sujets sociétaux. Et a rappelé la mobilisation de l’animation française autour pendant la crise autour de l’opération "protège ton soignant", puis maintenant pour accompagner les enfants dans l’apprentissage des gestes barrières : par exemple, On Entertainment via Miraculous pour TF1 et Disney ou Media Valley via Ernest et Rebecca pour TF1. Et France TV initie avec le CNC une série courte où une quinzaine de héros du groupe public viendront expliquer aux enfants les gestes barrières, pour une diffusion en septembre.
AnimFrance continue en outre de s’impliquer dans la charte alimentaire, et il y aura une deuxième saison de Manger, bouger, dormir, a annoncé Stéphane Le Bars, délégué général du syndicat.
Enfin, Corinne Kouper (Teamto) a elle évoqué l’approche inclusive et paritaire indispensable dans les métiers de l’animation, AnimFrance étant partenaire de LFA (Les Femmes s’Animent). Elle s'est réjouie de la signature par la Fesac d’un plan pour l’égalité femme/homme et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Et a rappelé qu'avec LFA, AnimFrance a obtenu la déclinaison dans le cinéma d’animation du bonus parité mis en place par le CNC sous l’impulsion du collectif 5050, et espère à l'avenir un même bonus dans la production audiovisuelle d’animation.

Les priorités sur la transposition de la directive SMA

Marc du Pontavice (Xilam) a enchaîné en détaillant les priorités sur la transposition de la directive SMA, "enjeu majeur pour l’audiovisuel et l’animation en particulier, un enjeu de croissance, de souveraineté culturelle, d’exportation et de diversité".
D’ici à 2025, la SVàD devrait représenter 3Md€ voire 5Md€. Si ce curseur de l’obligation de 25% de leur chiffre d’affaires en France était confirmé, cela représenterait près d’1Md€ dans la production patrimoniale française, et permettrait selon lui "de sortir le PAF du malthusianisme dans lequel il est enfermé depuis 20 ans". 
Sur l’exportation, ces plateformes peuvent permettre à des œuvres françaises "d’être très rapidement exposées dans le monde entier. "Une opportunité historique pour nos productions et notamment pour le dessin animé qui voyage remarquablement bien". Concernant la diversité, il a rappelé que l’animation était au cœur des deux piliers de consommation des plateformes : les familles avec enfants et les jeunes.
L'enjeu de souveraineté culturelle relève lui du contrôle et de la propriété des actifs, en encadrant la production indépendante française. Satisfait que l’Etat prenne en main la négociation avec les plateformes, AnimFrance insiste sur un point : le texte du décret devra permettre à la production indépendante d’assurer cette souveraineté. Cela passe par le taux de 25%. Mais aussi sur un curseur sur production indépendante et dépendante. Si AnimFrance est prête à voir le curseur baisser par rapport à celui des chaînes traditionnelles (recommandation à 50%/50% du ministère contre 80%/20% pour les diffuseurs linéaires) que si est renforcée la définition de la production indépendante. "Dans le cadre d’investissement encadré, la durée doit être normée et limitée. Cet investissement devra se traduire par un contrat de licence et non de coproduction, afin que l’investisseur ne détienne pas de droit et de mandat de commercialisation", et cela afin donc que les producteurs puissent consolider leurs actifs.
Autre sujet sensible sur l’animation, du fait de sa capacité d'exportation : la question des droits monde. Le syndicat ne souhaite pas que les plateformes puissent valoriser ces droits monde dans leur obligation de 25%. Car cela créerait une asymétrie avec les chaînes françaises et serait un frein pour les producteurs pour l’exportation des œuvres. Pour AnimFrance, les 25% ne devraient comprendre que les droits France. Sinon le syndicat craint que les plateformes ne fassent basculer dans ces 25% les programmes qui auront le plus de valeur patrimoniale à l’export.
Enfin, pour le cinéma, si une obligation de sortie salle est introduite, elle n’aura de sens pour le syndicat que si la chronologie des médias est réformée dans le sens de la neutralité technologique.

Avec cette transposition de la directive SMA, AnimFrance compte pouvoir dynamiser le volume d’heures et le volume financier stable depuis des années dans la production audiovisuelle. Le syndicat se réjouit de la progression du coût horaire des séries d’animation (805K€) désormais presque au même niveau que la fiction, avec des conditions de financement très différentes. Il souligne aussi la forte relocalisation de la production en France (85%) grâce au crédit d‘impôt, qui a permis de créer 2500 emplois en trois ans. Autre mouvement de fond, les apports internationaux : en 2019, les 295 heures produites ont mobilisé plus de 60M€ d’apports étrangers, un record historique. Les recettes exports (ventes et préventes) de 2019 devraient dépasser les 100M€ (chiffres finalisées en septembre).
Toujours côté audiovisuel, AnimFrance enregistre une baisse de l’ordre de 7% de l’apport du CNC dans une œuvre d’animation, suite à la réforme sur le soutien audiovisuel (généré et baisse du point minute). Dans le contexte post-covid, et la baisse des recettes du CNC, il y aura donc urgence, selon le syndicat, à renflouer le CNC pour maintenir son niveau d’aides et maintenir le niveau de l’emploi. Et il y aura à mener une réflexion en vue de la transposition de la directive SMA avec un nombre important de nouvelles œuvres qui auront accès au soutien.
Par ailleurs, comme les autres syndicats de producteurs, AnimFrance milite pour un alignement du crédit d’impôt audiovisuel, sur le crédit d‘impôt cinéma et international. Et cela afin de compenser la baisse des financements internationaux dans la période post covid et d’ouvrir des possibilités pour la production pour adultes pour les plateformes, au budget plus élevé.

Une opportunité historique pour France 4

Sur France Télévisions, le syndicat est, après avoir salué l’avènement de la plateforme de Okoo, est revenu sur le sujet France 4.
"Nous espérions au moment d’Annecy avoir une annonce, les équipes de France Télévisions attendent elles aussi cet arbitrage pour pouvoir mettre ne place leurs grilles. Nous espérons très très vivement que les enfants ne seront pas les victimes d’une réforme de l’audiovisuel public avortée, et qui plus est au moment où un groupe privé comme M6 acquiert Gulli pour environ 200 M€. Sacrifier une chaîne qui a une place indispensable dans le paysage audiovisuel français paraît comme une aberration à tous points de vue, y compris au niveau économique" a déclaré Samuel Kaminka (Samka Productions), président du collège télévision et digital
Rappelant que AnimFrance n’était pas réfractaire au changement, "une extinction de chaîne ne peut se faire que quand la fracture numérique sera réduite, que tous les enfants pourront avoir accès aux programmes et que les usages seront conformes et permettront de ne pas laisser les enfants au bord du chemin", a estimé Samuel Kaminka. Avant d’ajouter, "nous avons bon espoir. Aujourd’hui, il y a une opportunité historique pour que France 4 occupe une place claire et à la fois incontestable sur le marché. Nous attendons avec impatience la bonne décision qui honorera celui qui la prendra et qui consistera à maintenir France 4".
Auparavant, le président du collège télévision et digital d’Anim France avait rappelé les conséquences pour l’exposition de l’animation sur France Télévisions, dans l’hypothèse de la suppression de France 4. Un volume de 3 800 heures serait maintenu sur les antennes du groupe public, ce qui, bien qu’il ait été revu à la hausse, équivaut "tout de même une baisse de 35% par rapport à 2018" (contre 55% dans le premier scénario qui avait été révélé par le diffuseur). Les cases seraient alors "étalées sur plusieurs chaînes » du groupe et « il n’est et pas du tout certain que les enfants soient au rendez-vous". D’où la crainte d’une "baisse des audiences qui ne sera pas forcément compenser par la plateforme numérique car selon les derniers chiffres publiés, la consommation vidéo des enfants se fait à 75% sur la télévision linéaire, en direct. Donc aujourd’hui il y a un usage encore extrêmement fort de la télévision, et probablement pour plusieurs années", observe Samuel Kaminka.*

Par ailleurs, selon le point d’étape sur le suivi de l’accord interprofessionnel avec France Télévisions et qui prévoit un investissement de 32 M€ par an dans l’animation, jusqu’en 2022, 29,35 M€ ont été affectés à la télévision (91,7% du total) dont 26,5 M€ à la production inédite et 2,8 M€ aux acquisitions. 2,65 M€ (8,3%) ont été consacrés au cinéma dont 1,89 M€ dans la production et 0,8 M€ dans les acquisitions

Vers un bilan du plan cinéma, et la création d'un collège Animation et VFX aux César

Enfin, AnimFrance a consacré un point sur le cinéma. Outre le court métrage, qui s’inquiète lui aussi de l’avenir court métrage sur Canal+ après le départ de Pascale Faure, Clément Calvet (Superprod), vice-président du collège cinéma, a rappelé un retour à un niveau élevé de films agréés en 2019, 10 titres, tout en remarquant que cinq seulement étaient d‘initiative française et que le devis moyen avait chuté à 5,9M€. Mais le long métrage d’animation "compte tenu de la faiblesse des investissements des chaînes est plus que jamais sensible aux résultats en salles", 

Malgré les difficultés, AnimFrance a tenu a rappelé la reconnaissance internationale de l’animation tricolore, dont la nomination de J’ai perdu mon corps aux Oscars a été un temps très fort, après son prix à Cannes, et la présence systématique de films français dans les plus grands festivals.
Après la mise en place en 2019 du plan animation cinéma au CNC, un chantier cette année sera prochainement de faire avec le Centre un état des lieux. Ce plan a permis notamment via le fonds dit "CVS" d’apporter un soutien à des œuvres d’animation qui n’avaient pas forcément accès à l’avance sur recettes (4 films aidés en 2019) et pour ambitionner des films avec des budgets plus importants. Sur la directive SMA, une demande est la mise en place de quotas qui tiennent compte des films d’animation, afin de pouvoir compenser la faiblesse des financements venus des diffuseurs traditionnels.

Enfin sur la réforme des César, AnimFrance a rappelé avoir obtenu 1200 signatures pour sa lettre ouverte militant pour la création d’un collège Animation et VFX, option retenue par le CNC dans le projet de statut qui va être soumis à l’assemblée générale des César début juillet. AnimFrance en a profité pour remercier tous ceux qui avaient soutenu ce projet. 

Sarah Drouhaud, avec Emmanuelle Miquet
© crédit photo : Damien Bruner

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