Télévision

Séries Mania 2024 – Le non-linéaire en pleine ébullition

Date de publication : 22/03/2024 - 07:58

Rodolphe Belmer, pdg du groupe TF1, Nicolas de Taversnost, président du directoire du groupe M6 et Delphine Ernotte Cunci, pdg de France Télévisions, ont, à tour de rôle, abordé leur approche du non-linéaire. Avec des approches parfois disparates.

Outre la forte présence des plateformes américaines Netflix, Disney+, Paramount+ et Max à Séries Mania, les dirigeants de l'audiovisuel français ont également fait entendre leur politique autour du streaming ce jeudi matin.

TF1+ passe déjà la seconde

"Des premiers pas très spectaculaires, au-delà de nos espérances". Pour Rodolphe Belmer, pdg du groupe TF1, le démarrage de TF1+ est un succès avec un trafic sur la plateforme multiplié par deux depuis son lancement en janvier dernier. "Nous nous installons dans l'éventail des choix des Français quand ils veulent se divertir à la demande le soir", se réjouit le dirigeant.

L'ambition du groupe est ici bien définie : "capter une part de marché sur un marché adjacent à celui de la télévision." Face à des recettes publicitaires qui devraient stagner pour le linéaire dans les prochaines années, TF1 doit se développer sur le marché de la publicité digitale et profiter de la mutation des téléviseurs pour capter une part de ces perspectives offertes.

"Le marché publicitaire a toujours répondu à une logique de masse |…] Il faut être capable de générer des inventaires publicitaires à l'échelle de ce que YouTube produit". Dans cette optique, la télévision de rattrapage présentait un intérêt trop faible malgré un nombre de français touchés intéressants (27 millions par mois). En effet, un utilisateur consacrait en moyenne 3 heures par mois à MyTF1 contre 22 heures pour YouTube. TF1+ apparaissait donc comme une nécessité pour la TF1.

Dans les prochains mois, le groupe entend renforcer l'attractivité et la portée de sa plateforme phare avec de nouvelles ambitions : devenir la première plateforme gratuite de divertissement premium dans les pays francophones. A cet effet, TF1+ débarquera en Belgique et au Luxembourg début juin et quelques mois plus tard en Suisse pour se déployer ensuite dans le reste du monde en 2025.

La distribution est également un levier déterminant pour la visibilité de TF1+ qui sera présentera sur la page d'accueil des Samsung TV pour les deux prochaines années. Rappelons qu'une application commune aux chaînes de la TNT devrait bientôt voir le jour et mise en avant sur les smart TV dans le cadre des services d'intérêt général. Pourquoi dès lors cet empressement de TF1+ ? "Dans le développement digital, la vitesse d'exécution est absolument clé. Il faut s'adapter le plus rapidement possible pour bénéficier du développement fulgurant des usages à la demande", répond Rodolphe Belmer.

Interrogé sur la régulation des SIG, le dirigeant de TF1 se dit "très en soutien". "L'application, diffusée en première visibilité, permettrait notamment de reproduire le plan de service des chaînes françaises sur les téléviseurs des concitoyens. Ce plan de service a beaucoup de valeur pour défendre le linéaire", souligne Rodolphe Belmer tout en précisant que "le temps de la régulation n'est pas celui de l'industrie digitale."

Au cours des prochains mois, TF1+ va proposer de nouvelles fonctionnalités, portées par l'intelligence artificielle, visant l'amélioration de l'expérience utilisateur. Dès juin, la plateforme proposera Top Chrono, capacité à générer des résumés de match de sport avec une durée définie par l'utilisateur. "Cette innovation incarne un des bénéfices clés à la demande qui n'est pas encore capté aujourd'hui. Il y a le "ce que je veux", le "quand je veux" et le "autant de temps" que je veux. Netflix a bien compris cette dernière dimension avec le binge-watching permettant à chacun de contrôler son temps de divertissement". Autre innovation : Synchro, premier algorithme de recommandation pour une écoute conjointe au monde. Cet outil fusionne les goûts définis par plusieurs profils utilisateurs afin de proposer les contenus pouvant convenir à tous. Un bénéfice pour le foyer mais aussi pour TF1+ qui sera capable de définir qui est devant la plateforme. Un atout non négligeable auprès des diffuseurs.

M6+ : "Qui va piano, va sano"

"Le streaming n'est pas un sprint mais un marathon". Pour une de ses dernières interventions publiques en tant que président du directoire du groupe M6, Nicolas de Tavernost est resté fidèle à ses principes quand il a dû évoquer la stratégie digitale du groupe. Rappelons que la future plateforme M6+, qui remplacera 6play, verra le jour juste avant l'Euro de football, en mai. Une arrivée trop tardive sur le marché ? " La télévision est un métier long. Si on veut brusquer les évolutions, on se trompe. Le temps est très important", indique le dirigeant.

Le groupe souhaite marcher sur deux jambes avec le linéaire et le non-linéaire. "Dans cinq ans, les revenus non-linéaires devraient représenter seulement 20% de nos revenus. Le linéaire est tout aussi important. Il est important de combiner ces deux offres. Les programmes vont passer de l'un à l'autre. C'est le seul gros avantage que nous avons par rapport aux plateformes américaines", souligne le dirigeant.

Pour se différencier de la concurrence, le groupe mise sur une offre de contenus en HD très approfondie et des innovations technologiques, portés par sa filiale européenne Bedrock. On retrouvera notamment un moteur de recommandation utilisant l'IA avec un algorithme allant chercher précisément les contenus que l'utilisateur rechercher. L'investissement dans la plateforme sera conséquent : 100 M€ par an d'ici à 2028. Un investissement complémentaire à celui dans le coût de ses grilles (500 M€ par an).

Au cours de son intervention, Nicolas de Tavernost a également salué la recommandation de l'Arcom pour la valorisation des SIG. "La consommation du linéaire est fortement liée à l'incrémentation des numéros. Cette méthode est très appréciée par les plus de 50 ans. Nous devons continuer à satisfaire ce public. Nous devons avoir une application commune pour permettre aux Français de pouvoir consommer de manière ergonomique la télévision non-linéaire."

Le dirigeant de M6 prône de se calquer sur le modèle britannique en se basant sur Freely, l'application commune aux chaînes BBC, ITV, Channel 4 et Channel 5.

Le groupe souhaite miser sur la fiction pour enrichir la plateforme. "La fiction n'est pas un genre mineur chez nous. Là aussi, c'est un marathon. Nous avons commencé par la fiction courte qui rencontre un vif succès. La fiction longue est un long chemin dont nous avons décidé de nous y mettre de plein pied il y a deux-trois ans", indique Nicolas de Tavernost citant la fiction Brigade anonyme, diffusée en prime les deux prochains mardis, et Murder Club. Un autre atout de poids sera également le futur feuilleton quotidien de M6, produit par SND Fiction. La diffusion est prévue pour 2025. L'offre cinématographique ne sera pas en reste avec la production de nouveaux volets de Kaamelott, le film et la série Fantomas.

Enfin, Nicolas de Tavernost a plaidé pour une évolution de la réglementation des chaînes audiovisuelles françaises. " L'évolution de la réglementation ne se fait pas en France, les projets restent dans les cartons et sont édulcorés", regrette le dirigeant.

"Il faut qu'une liberté soit rendue pour que les investisseurs puissent investir", ajoute-t-il au sujet de la législation interdisant à un détenteur d'une fréquence pendant cinq ans. "Cette loi empêchera toute consolidation avant 2032. On assiste à une fossilisation du paysage audiovisuel, c'est absurde. Dans le monde d'aujourd'hui, ce statu quo n'est plus possible".

 France Télévisions, "l'union fait la force"

Aujourd'hui, france.tv est "la première plateforme d'exposition gratuite de la fiction française et du cinéma français", indique Delphine Ernotte Cunci, pdg de France Télévisions. "Nous sommes assez complémentaires des plateformes américaines ce qui nous permet d'attirer en janvier et février 33 millions de visiteurs uniques par mois. Nous entendons bien toucher un Français sur deux. Le succès de notre transformation numérique repose aussi beaucoup sur la fiction française qui représente 50% de ce qui est visionné sur la plateforme."

Par rapport à TF1+ et M6+, france.tv revendique un positionnement "différent, beaucoup plus basé sur la création". Une nouvelle version de la plateforme sortira à l'occasion des JO avec l'ambition de "reproduire le lien quotidien, émotionnel du linéaire dans l'univers numérique, qui par essence, est plus froid." France.tv introduira progressivement de la conversation et de l'information sur la plateforme.

France Télévisions mène de nombreux projets en coproduction avec les plateformes américaines, à l'instar de Zorro avec Paramount+, et avec l'Alliance européenne. "Ces collaborations nous permettent de financer ce que nous ne pouvions pas financer tout seul. Cela contribue également au rayonnement de la création française à l'international", explique la dirigeante. "Je pense que les streamers ont revu leur politique vis-à-vis de nous. Je n'ai pas l'impression que nous nous phagocytons les uns les autres", estime la pdg citant les collaborations sur Cœurs noirs (Prime Video) et Les gouttes de Dieu (Apple TV+).

Delphine Ernotte Cunci s'est également réjouie de la recommandation de l'Arcom sur les SIG. "Elle nous incite à reconsidérer le fait d'avoir une plateforme commune. L'Arcom a parfaitement raison."

Pour la dirigeante, TF1 sera amenée à faire un choix avec son offre Avod. "Soit vous considérez que vous êtes très forts et que vous allez vous en sortir tout seul, soit vous considérez que l'union fait la force. A un moment, on ne peut pas mettre ses billes partout. Il faut prendre une décision".

"Nous savons que nous sommes fragiles […] C'est un problème existentiel pour la télévision d'être visible sur une plateforme OTT. Nous pensons chez France Télévisions que l'union fait la force. Freely aurait été la version gratuite de Salto. En intégrant Freely, les chaînes britanniques ont décidé d'oublier leurs plateformes propres. Sinon on tue le projet avant même qu'il voit le jour", conclut-elle.

Florian Krieg
© crédit photo : Jérôme Gorin


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