Cinéma

Congrès FNCF 2015 – Jean Labé : "Le Congrès, un carrefour incontournable"

Date de publication : 30/09/2015 - 08:58

Président de la FNCF de 1988 à 2013, Jean Labé aura accompagné l’exploitation française pendant un quart de siècle. À l’occasion des 70 ans de la fédération et de son Congrès, celui qui demeure, avec Pierre Pezet, le président d’honneur de l’organisation, revient sur les temps forts et les petites histoires qui ont marqué son mandat.

Votre présidence à la FNCF s’est tout de même étalée sur un quart de siècle. Comment regardez-vous l’évolution du secteur durant cette période ?

D’une manière générale, et je ne l’impute pas à moi, j’éprouve beaucoup de fierté dans le fait que nous ayons retrouvé, en plus de 30 ans, un niveau de fréquentation à 200 millions d’entrées annuelles environ. Ce sont près de 100 millions d’entrées supplémentaire qu’en 1992. L’ensemble de la fédération y a bien évidement participé, et les adhérents étaient en première ligne. Je suis content d’avoir pris part à cet effort collectif. Quand j’ai reçu la présidence de la fédération, beaucoup pariaient sur l’obsolescence de la salle de cinéma, arguant que la vision des films à domicile, que ce soit en vidéo ou via Internet, allait tout emporter à terme. Pour notre part, nous faisions le pari inverse, en misant sur la salle de cinéma. Le temps nous a donné raison.

A contrario, avez-vous un ou plusieurs regrets à déplorer durant votre mandat ?

Ce que je regrette le plus, c’est que l’ensemble de la filière cinéma se soit autant désunie. Quand j’ai intégré la profession, le Blic, qui représentait l’ensemble du secteur, était un interlocuteur unique et très fort pour les pouvoirs publics. Un organisme qui fonctionnait bien. Aujourd’hui, la désunion entre les branches qui caractérise notre industrie est désolante. Elle joue contre tous les professionnels du cinéma.

Ce sont tout d’abord les producteurs qui se sont séparés, s’ensuivit la création de plusieurs syndicats. Puis ce fut le cas des distributeurs… Au contraire, à la fédération, nous avons toujours œuvré pour l’union professionnelle, tout en conservant précieusement notre unité qui fait aujourd’hui notre force. Je regrette que nous n’ayons pas toujours réussi à ce que l’ensemble du cinéma français puisse parler d’une seule voix face aux pouvoirs publics ou aux institutions européennes.

Le Congrès des exploitants a également beaucoup évolué en 25 ans…

En effet. Lors de mon arrivée en fonction à la présidence, le Congrès s’étalait sur une journée et demi au mois de juin. Nous avons su le transformer. Pierre Pezet, mon prédécesseur, fut le premier à innover en créant notamment un hommage annuel aux réalisateurs. A mon tour, je me suis inscrit dans cet élan. J’ai organisé un voyage au Nato ShowWest, afin de voir comment se passait les choses aux Etats-Unis. L’idée était de scruter ce qui se faisait chez nos homologues américains, qui forment le marché directeur du cinéma occidental. Nous avions remarqué les nombreuses présentations de films qui ponctuaient, de manière très spectaculaire - plus qu’aujourd’hui -, les différentes conférences et expositions. Certaines majors faisaient des présentations formidables : par exemple, pour Le roi lion, Disney avait fait venir tout un cirque avec des animaux sauvages et organisé un concert d’Elton John…

En France, l’idée n’était pas forcément de copier bêtement ce modèle, mais du moins de faire participer les distributeurs à cet évènement. A l’époque, Fabienne Vonier, que nous regrettons tous aujourd’hui, présidait la FNDF. Nous avons beaucoup œuvré avec elle et ses équipes dans l’optique de consacrer une journée entière à la présentation des films. Ce qui a prolongé le Congrès sur trois jours, puis un peu plus avec les avant-premières que nous avons ensuite placées le lundi soir. Petit à petit, nous avons fait monter l’évènement à ce niveau ; ce fut un travail collégial, car l’ensemble de la fédération y a participé. Et Richard Patry, notre actuel président, était déjà, à l’époque en tant que président adjoint, une cheville ouvrière importante de cette manifestation.

Ce format rallongé vous a forcément conduit à changer son organisation, notamment en termes d’infrastructures ?

Evidemment. A l’époque de mon élection, le Congrès était la responsabilité des syndicats de province, chacun étant chargé chaque année de l’organisation. Quand l’évènement est monté en puissance, la fédération a repris en main cette organisation.

Le nombre de villes présentant une capacité hôtelière et les infrastructures nécessaires s’était considérablement réduit. Il était nécessaire notamment d’avoir une grande salle pouvant accueillir des projections, située à proximité du lieu d’exposition.

Nous l’avons organisé un an sur deux à Deauville parce que cette ville correspondait parfaitement à nos besoins. Cela fait désormais plusieurs éditions que l’évènement y est tenu chaque année. La salle correspond parfaitement à nos besoins, les lieux d’expositions se situent dans le même bâtiment, la restauration aussi est facilitée. Pour un congrès de 2 000 personnes environ, c’est idéal. Il est entendu que ce n’est pas forcément une règle inamovible, mais au vu de nos besoins, peu de villes réunissent autant d’avantages pour rivaliser.

Y a-t-il un ou plusieurs souvenirs de Congrès que vous retenez particulièrement ?

Ils sont nombreux. Je me souviens notamment du Congrès de Poitiers en 2000. Les débats étaient particulièrement rudes du fait qu’ils tournaient autour des cartes illimitées. Je me rappelle du dessin de Kak dans Le Film français qui me figure vêtus d’habits déchirés et plutôt mal en point, accueillant la ministre de la culture en lui certifiant que tout allait très bien. J’en ai beaucoup ri.

Mais ce sont surtout toutes ces rencontres au fil des ans qui ont imprégné ma mémoire. Cet évènement est un carrefour incontournable où l’on croise des gens parfois aux antipodes, du ministre au petit exploitant, en passant par le distributeur de major américaine ou le réalisateur ou le producteur d’un film indépendant. Autant de personnes différentes mais animées par la même foi, celle de croire en l’avenir du cinéma.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : Mano/Le Film français


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